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JORDIS Tristan

France

Le pays des ombres (Stock, 2022)

© Patrice Normand

Tristan Jordis est de ceux qui écrivent en immersion, sur le terrain, posant un regard incisif sur le monde qui les entoure. Après Crack, un premier roman-documentaire remarqué pour lequel il s’est plongé dans les « abysses de la toxicomanie » dans le Nord de Paris, il passe cinq mois au Caire pendant le printemps arabe, et revient dans Le courageux mourra dans la bataille sur les évènements qui ont causé la chute du régime de H. Moubarak en 2011. Nous retrouvons dans son troisième et dernier ouvrage le narrateur de Crack, à la recherche cette fois-ci d’un féticheur versé dans la magie noire au Sénégal. Un roman mystique sur les amitiés issues des squats de crackmans, porté par l’écriture charnelle et percutante de l’auteur.

Après des études de Sociologie, Tristan Jordis, passionné par l’urbanisme et l’architecture travaille un an au ministère des transport et de l’aménagement avant d’essayer tout autre chose : le journalisme. Collaborant à différentes radios associatives, il mène plusieurs interviews. Pourtant, il lui manque encore quelque chose : l’image. Ce qu’il veut, c’est sortir la caméra à l’épaule et enrichir l’audio par le visuel. Alors quand l’opportunité de faire ce qu’il aime vraiment se présente, il se lance dans l’aventure : une plongée au cœur de l’univers des fumeurs de crack du Nord de Paris, un milieu dans lequel il s’est immergé, une expérience dont il est sorti changé.
À l’arrivée, le résultat est bien différent du projet de départ : difficile d’avoir un bon rendu quand tout se passe la nuit, dans l’obscurité. Difficile aussi de filmer jour après jour ceux qu’il côtoie et avec lesquels il sympathise. Au final, Crack n’est pas un reportage, c’est un livre, un ovni, situé quelque part entre le documentaire, le roman et l’enquête sociologique, un ouvrage vrai, bien loin de ce que l’on peut lire dans tout bon manuel universitaire.


Bibliographie :

  • Le Pays des ombres (Stock, 2022)
  • Le courageux mourra dans la bataille (Seuil, 2012)
  • Crack (Seuil, 2008)
Le pays des ombres

Le pays des ombres

Stock - 2022

« Le plaisir de la destruction nous avait amenés à nous connaître, Mansour et moi, et il avait déployé dans notre imagination l’idée d’un double qui faisait correspondre à la réalité le monde étrange des rêves. Chaque circonstance avait voulu sceller notre amitié ; peut-être la drogue, plus que tout le reste, par l’exigence de sincérité qu’on avait voulu lui opposer. »

De la prison dans laquelle il purgeait une peine de quatre ans, mon ami Mansour m’a un jour écrit avoir été envoûté par un féticheur quelques années plus tôt. À la fin de sa lettre, il me demandait si je pouvais partir à sa recherche pour lever le sortilège. Les amitiés issues des squats de crackmans ont décidément une valeur hors du commun. De la toxicomanie à l’emprisonnement, cette quête devait me mener aux confins de l’Afrique. Traversant la brousse et les forêts de son pays natal, l’esprit mystique des lieux m’amena à ce qui pourrait le délivrer. Après dix-sept ans d’absence, il revint cultiver la terre dans son village et retrouver la part de lumière en lui. À mon tour, fatigué de lutter dans une histoire devenue absurde, j’allai lui demander de me transmettre cette connaissance qui guérit l’esprit.

Au cœur des ténèbres, à la manière d’un Joseph Conrad, le narrateur nous entraîne avec lui, de surprise en surprise.

Après-midi autour du prix Nicolas Bouvier : Jusqu’où le voyage nous mène

Saint-Malo 2023

Le prix Bouvier est remis cette année à François-Henri Désérable pour
L’Usure d’un monde, récit captivant de son périple de 40 jours au sein de
l’Iran au plus fort du soulèvement anti-régime. Écoutez la rencontre avec le lauréat :

Après cette discussion avec F.-H. Désérable, une rencontre animée par Bernadette Bourvon : « Jusqu’où le voyage nous mène ? », avec des écrivain·es dont les périples, quels qu’en soient les déclencheurs, les ont plongé·es dans l’inconnu, jusqu’aux confins du monde et d’eux-mêmes. Dans son dernier roman, la journaliste Marie Hélène Fraïssé dresse un portrait inédit de l’Alaska ; avec Le Pays des ombres, Tristan Jordis nous entraîne à sa suite, des marges de Paris aux forêts du Sénégal ; Douna Loup dans Boris, 1985 remonte la piste d’une histoire familiale jusqu’à des profondeurs insoupçonnées ; et l’héroïne de Jean-Baptiste Maudet perd pied dans la chaleur du Brésil.

L’après-midi s’est terminée par le film Adieu Sauvage, fresque époustouflante dans laquelle le réalisateur autochtone Sergio Guataquira Sarmiento se rend en Colombie à la rencontre du peuple des Cacuas, et rend compte d’une expérience toute personnelle de l’exil.