Black sheep boy

Écrit par MOREAU Rose (3ème, Collège Noé Lambert de Nantes), sujet 1. Publié en l’état.

«  Jaimerais que tu m’aides à grandir. »
Tim relit son message en soupirant, il parait ridicule. Lyra pourra t’elle comprendre ? Le jeune homme a peur de ne pas être pris au sérieux.
Le wagon frôle son long corps fin, il s’assoit violemment contre la fenêtre bleutée du métro, sort ses écouteurs avec rage et tente de réchauffer ses doigts gelés en les portant à sa bouche. Le ciel gris de Paris défile sous ses yeux bruns fatigués.

Here I am back home again,

Il ne sera donc jamais libre ? Toujours cloîtré dans la peur, le mensonge et la persécution  ?

And I’m here to rest

Il ferme péniblement les yeux et repense à l’étreinte folle de sa grand-mère à la sortie de l’école. Chaque jour passé était un soulagement mais chaque jour à venir devenait un affrontement.

All they ask is where I’ve been,

Il ne supporte plus d’endosser des responsabilités qui ne sont pas les siennes. A chacun ses libertés, à chacun ses problèmes.

Knowing I’ve been West

Oui, par amour il les aurait aidés. Le hic, c’est que ça lui avait été imposé. Enfant, il parlait comme un adulte, défendait les droits de ses parents. Il avait sauté l’étape de l’enfance. Il n’avait pas eu le choix.

I’m the family’s unowned boy

A cet instant, du haut de ses vingt ans, Tim ne désire qu’être un gamin. Un pauvre gosse naïf. Un petit être fragile aux joues roses pleines d’espoir. Il rouvre légèrement les yeux dans la froideur de l’hiver et ses pupilles toisent le Paris brumeux qu’il survole.

Golden curls of envied hair

De toute manière, quel crime à être différent  ? Ses parents l’étaient bien eux... Tim avait eu deux pères.

Pretty girls with faces fair

Une volée de pigeons décolle de la Tour Effel pour contraster le ciel uni. Tim se laisse balloter par le rythme du train qui rentre sous terre. Le silence et l’obscurité envahissent le wagon vide. Les lumières jaunâtres grésillent et la musique se fait plus intense dans la tête de Tim.

See the shine in the Black Sheep Boy.

Le jeune homme repense aux regards froids, répugnés et parfois moqueurs, que les passants lui adressaient. Il ne faisait rien de mal. Il se promenait simplement en tenant la main de ses pères, comme un enfant normal. Le regard des adultes le salissait, Il était privé de contact avec tout autre enfant de son âge, Il s’ennuyait. Ses parents vadrouillaient à droite à gauche, vivant pleinement leur idylle entre Londres et Pékin.

If you love me, let me live in peace, please understand,

Il se remémore du courage de sa grand-mère. Elle supportait les innombrables commérages, les ragots des voisines et les regards des concierges. Elle élevait un pauvre petit bonhomme et faisait face à tous les préjugés.

That the black sheep can wear the Golden Fleece

Tim envoie un coup de pied rageur dans un journal au sol, se recroqueville en position fœtale sur son siège, comme pour lutter contre le froid.

And hold a winning hand.

Oui, il les comprenait. Oui, ses parents avaient eu le choix. Soit ils restaient à affirmer leur différence, soit ils partaient. Ils ont préféré fuir. Ils ont préféré être libres ailleurs.

I’m the family’s unowned boy,

Tout son jeune âge, avec sa grand-mère, Tim a subi les insultes et les coups à la place de ses parents et pour ça il leur en veut.

Golden curls of envied hair

Une larme chaude coule sur sa joue lisse. Ses yeux fouillent désespérément dans le noir du tunnel. Il resserre ses mains de plus fort, accablé par le froid et la douleur de ces souvenirs brûlants.

Pretty girls with faces fair

Tim repense à la lettre qu’il a reçue la veille. De ses parents. Qui s’excusaient d’avoir été absent dans sa vie. Comme si quelques mots pouvaient réparer des années d’écart

See the shine in the black sheep boy.

Ils avaient sauvé leur amour en abandonnant celui de leur fils.
Ils avaient sauvé leur peau en laissant celle de leur fils.

Here I am back home again,

Le jeune garçon n’apprit que la veille que ses parents étaient partis suite à l’agression d’une de leurs connaissances elle aussi homosexuelle.

And I’m here to rest.

D’ailleurs, Tim n’a pas eu la force de lire la lettre en entier.

All they ask is where I’ve been

Le père qui lui avait écrit était désormais veuf.

Knowing I’ve been West

Le second, battu à mort par des homophobes de la banlieue New Yorkaise.

I’m the family’s unknown boy

Le cœur frappe fort dans sa poitrine et la musique tambourine dans sa tête. Il se lève. C’est son arrêt. Il déambule dans les longs couloirs carrelés du métro.

Golden curls and envied hair

Il stoppe brusquement devant une affiche et arrache ses écouteurs.
"NON AU RACISME, A LA XENOPHOBIE, A L’HOMOPHOBIE. LA FRANCE EST UN PAYS LAIC ET LIBRE. Sans mots, sans dialogue, comment tendre la main vers les autres ?"
De rage, Tim arrache l’affiche et la fourre dans une enveloppe.
Il ressort la lettre de son père et copie nerveusement l’adresse au dos de l’enveloppe.
Il ajuste ses écouteurs, accélère le pas et trouve une boîte aux lettres à la sortie de la bouche de métro.

Pretty girls with faces fair

Il s’apprête à jeter l’enveloppe dans le cube jaune en repensant au slogan.

See the shine in the black sheep boy.

« Sans mots, sans dialogues, comment tendre la main vers les autres ? »
Tim reste quelques secondes à observer la lettre au bout de ses doigts tremblants, prête à partir, voyager au travers un océan, arriver chez un homme qui l’ouvrira et qui sentira les larmes lui monter aux yeux et une douleur saillante dans la poitrine.

I’m the family’s unowned boy

Sa main se ferme brusquement sur le papier qui se chiffonne. C’est lui, Tim qui doit tendre la main vers l’autre.

Golden curls of envied hair

Il fait demi-tour, se perd dans ses pensées comme dans les couloirs sombres du labyrinthe souterrain. Il monte de nouveau dans un métro, s’avachit sur une banquette. Son portable vibre, le message de Lyra s’affiche.
« C’est la vie qui te fera grandir. »

Pretty girls with faces fair

Le métro surgit de terre. Ebloui par la brusque lumière, le jeune homme ferme les yeux, laisse son corps se faire emporter par le train en direction de l’aéroport.
Il allait grandir.

See the shine in the black sheep boy