Invités depuis 1990

BOUGNOUX Daniel

Atelier-monde

Biographie :

Philosophe, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, il est l’auteur d’une quinzaine de livres en critique littéraire et théories de la communication ; il dirige l’édition des Œuvres romanesques complètes d’Aragon à la bibliothèque de la Pléiade.

Retrouvez-le à L’atelier-Monde de St Malo :

Initié par le plasticien Philippe Mouillon, atelier-monde invite des artistes, poètes et philosophes comme traducteurs du monde contemporain. Cet atelier nomade d’une ville à l’autre produit une capitalisation infinie d’interrogations et aborde tous les horizons de notre vie quotidienne, des aspects existentiels les plus incertains aux formes les plus simples, joyeuses ou poétiques. Cette collecte mondiale de doutes est une tentative de rendre visibles les impensés de l’époque, les fragilités des représentations et des interprétations dominantes d’un réel qui s’échappe, qui n’est jamais là où on le cherche, ou sous la forme attendue.

Local.Contemporain, N° 7 : Un monde en soi

Le Bec en l’Air - 2013

Qu’est-ce que ça veut dire, l’humain ? Comment se représenter cette notion toujours en devenir devant ou entre nous, et toujours à construire ? Comment penser ou délimiter, à l’époque de la mondialisation, notre idée de l’humanité ? N’allons pas nous raccrocher à une idée un peu fausse, ou rance, de l’humain : l’humanité réside entre nous en partage. Cette notion équivoque suggère que celle-ci ne se donne jamais que "partagée" par le don réciproque des langues, des cultures, en même temps qu’elle demeure irréductiblement morcelée. On ne sait pas très bien ce qu’est ou ce que peut l’humanité, dont nous ne possédons qu’une parcelle, dont nous ne connaîtrons jamais qu’un minuscule échantillon. "Les autres" figurent indéfiniment cette part manquante, énorme, qu’il nous reste sans cesse à documenter et à explorer. Part manquante est aussi un terme de physiciens, ce qu’ils désignent comme l’antimatière, que nous ne connaissons pas, n’ayant accès qu’à la matière qui exige toutefois, pour exister, cette part qui nous échappe. Dans nos rues comme dans toute l’étendue du ciel noir, des corps s’élaborent et parfois se frôlent, à des distances incommensurables. Comment jamais mesurer l’homme ?


Louis Aragon : Œuvres romanesques complètes, tome V

Gallimard - 2012

Édition publiée sous la direction de Daniel Bougnoux avec la collaboration de Philippe Forest. Préface de Jean Ristat Pour beaucoup, le roman est un miroir servant à comprendre le monde. Chez Aragon, c’est le miroir qui devient roman : « Tout ce que je vois, ma vie, la réalité même, perdant tout sens moral, tout prend valeur d’être le reflet des fictions. » Dans La Mise à mort, deux rivaux semblent aux prises, si ce n’est que l’un n’est sans doute qu’une image de l’autre. Dans Blanche ou l’Oubli, le narrateur invente une jeune femme, Marie-Noire, chargée d’arracher à l’oubli la femme qui l’a quitté, Blanche ; chaque personnage, imaginaire ou imaginant, se prétend bientôt le créateur de l’autre. Dans Théâtre/Roman se succèdent deux narrateurs, l’Homme de théâtre et l’Écrivain ; mais « est-ce un acteur qui rêve au jeune homme qu’il fut », ou l’inverse ? « À votre choix », dit Aragon. On comprend que Philippe Forest rappelle dans sa notice la parabole de Tchouang tseu : le sage endormi rêve qu’il est un papillon, et se demande une fois éveillé s’il n’est pas plutôt un papillon rêvant qu’il est un sage. D’une stupéfiante liberté formelle, les trois derniers romans d’Aragon, ici accompagnés des nouvelles les plus tardives du Mentir-vrai, sont des songes partagés. Inutile d’y chercher des vérités ultimes (« la vérité, cette mort de moi-même »). « Valse des adieux », façon de boucler la boucle en renouant avec l’ambition expérimentale des premiers écrits, ces textes des années 1960 et 1970 tournent inlassablement, et sans illusion, autour de l’insoluble énigme qui fut au cœur de l’existence d’Aragon : celle de l’identité.


Aragon, la confusion des genres

Gallimard - 2012

« J’aurai passé une bonne part de ma vie plongé dans votre œuvre avec une opiniâtreté dont mes amis s’étonnent, n’aurais-je pu avec le temps changer de sujet ou d’auteur ? Je connais par cœur beaucoup de vos vers, de vos phrases, il n’y a pas de mois dans votre biographie où je ne vous suive à la trace – vous en avez tant laissé sur votre passage ! Vous remuez les passions les plus contradictoires, les uns vous saluent toujours avec enthousiasme, d’autres par des huées. Je sais toutes les objections que votre nom soulève, j’ai relaté et annoté les charges qui pèsent sur vous, sans partager la sévérité de vos juges dans ces procès qu’on vous intente... Je me dis qu’attirer tant d’amour et de haine à la fois semble plutôt bon signe, et que vous êtes vivant dans cette pièce où je vous lis, où je vous écris. » Daniel Bougnoux.


Vices et vertus des cercles : L’autoréférence en poétique et pragmatique

La Découverte - 2010

L’époque, dit-on, est à la communication. Verra-t-on revenir celles des sciences et des arts ? Muni des concepts (dont on n’a pas encore toute la mesure) proposés par Peirce, l’école de Palo Alto, Edgar Morin ou Douglas Hofstadter, l’auteur explore ici la réflexivité dans le langage, depuis la poésie jusqu’aux speech acts. Les paradoxes et les percées théoriques condensés dans une page de Mallarmé, de Montaigne ou de Proust se retrouvent en effet, à l’autre bout de la chaîne parlée, dans l’ironie, le métalangage ou les enchevêtrements de l’énoncé et de l’énonciation. Mais pourquoi toujours penser nos communications selon le modèle linéaire de la chaîne ? Un émetteur et un récepteur, en se bouclant l’un sur l’autre, formant un « complexe » qui invite à poser la relation avant les termes de celle-ci. En suivant ce paradigme communicationnel, Daniel Bougnoux montre en-deçà et au-delà des logiques linéaires et dialectiques l’insistance d’une logique circulaire : sans son mouvement perpétuel d’ouverture et de fermeture, nous ne saurions communiquer. Mais les boucles étranges ne cessent de déborder nos langages. Dans les roues de la vie comme dans la dynamique de l’imaginaire, ou la gravitation des ensembles sociaux, s’observerait la même communication circulaire, dont la raison nous fait tant défaut.


Des intellectuels jugent les médias - Tome 1

Mordicus - 2010

Daniel Bougnoux, André Comte-Sponville, Régis Debray, Marcel Gauchet, Yves Michaud Des intellectuels, parmi les plus prestigieux, s’interrogent sur les médias, n’hésitent pas à les bousculer. Ils disent leur agacement, leur méfiance. Leurs craintes aussi. Ils ont été interviewés, au cours de ces dernières années, par la revue Médias. Il nous a semblé que leurs points de vue — divers, différents, parfois opposés ou discordants — intéresseraient tous ceux qui, au-delà du fonctionnement des médias, véritables machines à produire de l’information, s’interrogent sur leur poids dans nos sociétés et leurs effets, parfois leurs méfaits, sur le fonctionnement même de la démocratie.


Empreintes de Roland Barthes

Cécile Defaut Editions - 2009

Ouvrage dirigé par Daniel Bougnoux Plus vivace que le signe symbolique, la notion d’empreinte fait référence aux marques laissées par un corps, et l’on sait à quel point le corps, désirable autant qu’énergumène, aura tourmenté l’auteur de L’Empire des signes. Douze intervenants ont employé cette journée INA-Sorbonne à tirer d’une grande œuvre leurs propres matériaux, et à dire les empreintes semées en eux par Roland Barthes – à la façon d’un chat


Louis Aragon : Œuvres romanesques complètes, tome IV

Gallimard - 2008

Édition publiée sous la direction de Daniel Bougnoux avec la collaboration de Bernard Leuilliot et Nathalie Piégay-Gros. Aragon, Les Communistes, postface : « Mais n’est-ce pas précisément ici, à Dunkerque, qu’il avait pu me paraître que j’étais arrivé "à la fin du monde réel" ? » C’est en effet à Dunkerque que se dénoue le roman, dont les deux dernières parties forment le récit de la débâcle provoquée par l’attaque allemande du 10 mai 1940. Le cycle du Monde réel s’achève là. Aragon, bientôt, va confier au passé la tâche de nous parler du présent. « Les rendez-vous romains » décrit les tourments artistiques et amoureux de David d’Angers au lendemain de la défaite de Napoléon. La Semaine sainte – qui « n’est pas un roman historique » – retrace la fuite de Louis XVIII devant l’Empereur en 1815 à travers le périple de Géricault, qui délaisse la peinture pour la compagnie des mousquetaires du roi. Dans un cas comme dans l’autre, la figure de l’artiste se trouve au premier plan, et permet à Aragon de s’interroger sur le sentiment national et la finalité de l’art. Pour autant, Dunkerque et 1940 ne sont pas relégués aux oubliettes. À bien des égards, La Semaine sainte offre un lointain écho des Communistes. C’est toujours du désarroi face aux bégaiements de l’Histoire qu’il est question. En croisant les lieux, en superposant les exodes, ces deux romans sont l’écriture er la réécriture du traumatisme que constitua « l’étrange défaite ». S’y entrelacent les mêmes questionnements : la fidélité au camp choisi et son corollaire, la trahison, le sentiment national, le lien entre l’individu et la communauté. Si Les Communistes a pu être lu comme un roman partisan, La Semaine sainte, écrit en 1958 après « ce coup formidable porté à l’esprit de certitude que l’on résume par le nom du XXe congrès », montre la fragilité des choix politiques autant que leur nécessité et rappelle la force de l’indécision. C’est peut-être la raison qui poussa Aragon à abandonner David d’Angers, personnage romantique empli de convictions et de certitudes, au profit de Géricault, en proie au doute. Le XIXe siècle nous tend un miroir où se réfléchissent les interrogations contemporaines sur le loyalisme, la crise nationale, la défaite d’un régime. Suivra, en 1964, « Le Mentir-vrai » dont le mot d’ordre pourrait être la scission entre vérité et roman.


Le Roman inachevé d’Aragon (Essai et dossier)

Gallimard - 2007

« Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni ses amours, ni son "roman". Celui que nous donne à lire ici Aragon approfondit et complique nos représentations d’un siècle plus proche de Shakespeare que de la dialectique par laquelle on voudrait normaliser, et enseigner, l’histoire ; mais il tire aussi de son bruit et de sa fureur l’ordre apaisant ou réparateur du chant. Nous vérifions une fois de plus, lisant ce poème, à quel point chez Aragon la création s’exerce au bord de la destruction ; ou, pour le dire avec Hölderlin que lui-même citera beaucoup dans Blanche ou l’oubli, comment, là où croît le danger – et Aragon comme Elsa courent en cet an de disgrâce 1956 un danger mortel –, "croît aussi ce qui sauve". »


La crise de la représentation

La Découverte - 2006

Depuis les années 1980, dans nombre de démocraties occidentales, la représentation politique est en crise. De la « faillite des institutions » à l’« affaissement de la nation » en passant par le « communautarisme » bien des explications sont avancées. Et s’il fallait chercher ailleurs ? C’est l’hypothèse provocante qu’explore Daniel Bougnoux dans ce livre singulier : pour lui, la crise de la représentation politique ne peut se comprendre sans l’inscrire dans celle, bien plus large, qui affecte depuis plus d’un siècle la notion même de « représentation ». Preuves à l’appui, puisées dans un corpus impressionnant d’œuvres littéraires et artistiques, il montre comment les avant-gardes du XXe siècle ont progressivement sapé les effets de la « mise à distance », du détour par l’ordre symbolique. Hier, le théâtre, la peinture ou le cinéma proposaient une coupure nette entre l’illusion et le monde réel ; la culture fondée sur le livre contenait ce réel à bonne distance, en refoulant la présence des corps derrière des représentations plus abstraites. Aujourd’hui, passant du livre au live, les nouveaux médias nous invitent au festin d’une vie immédiate, au commerce des « coups » et à la contagion des passions. La presse semble toujours plus pressée, l’art cherche sur les corps une emprise directe, les spectacles deviennent contacts et notre société se fragmente en communautés réduites aux affects... Mais les effondrements symboliques liés à ces mutations ne cachent-ils pas la difficile naissance de formes nouvelles, où l’individu démocratique aurait toute sa place ?


Lexique d’information communication

Dalloz-Sirey - 2006

Plus de 2 000 entrées. Tous les médias sont représentés : la presse et le cinéma, la radio et la télévision, mais également ceux nés au cours des dix dernières années avec Internet et le numérique, depuis les sites Web jusqu’aux blogs, en passant par la TNT, le podcasting et les moteurs de recherche. Les mots et les notions définis mettent en avant les principaux usages et les principales finalités de chaque média : information, communication mais aussi divertissement, formation et création, adoptant à chaque fois le point de vue des disciplines concernées : droit, économie, histoire, sociologie et technologie. Les principales théories, écoles et méthodes des sciences de l’information et de la communication sont présentées de façon claire et distanciée. " Tout en un ", le Lexique d’information communication définit chacun des termes, chacun des concepts et chacune des notions de ce vocabulaire spécifique à un secteur qui n’a cessé de s’étendre, au rythme de l’essor des médias. Il entend ainsi éclairer les enjeux dont les TIC - Technologies de l’information et de la communication -, anciennes ou récentes, sont les instruments : pour la démocratie, pour la culture savante ou artistique, pour les relations entre les peuples et entre les nations. Rédigé par des universitaires et par des professionnels, il offre les clefs qui permettent à tous, professionnels ou usagers, de comprendre et de mieux appréhender le monde des médias.


Aurélien d’Aragon (Essai et dossier)

Gallimard - 2004

« Soixante années après sa parution, le roman d’Aurélien, bien loin d’avoir livré tous ses secrets, continue de rayonner et d’ouvrir des pistes critiques à l’inspiration de ses lecteurs. Tiraillé entre les tentations d’un imaginaire (mortifère) et les urgences de l’Histoire, ce récit tirerait-il sa force d’avoir été composé dans l’œil du cyclone ? Comme l’alcyon mentionné page 280, qui abrite sa maison de plume sur l’abîme de la mer, Aragon rêva Aurélien au cœur des pires circonstances ; la guerre y gronde, jusqu’au sein des couples, et son roulement se répercute d’un bord à l’autre du roman, mais celui-ci raconte non la guerre mais ses seules conséquences dans les consciences individuelles, apparemment lisses et tranquilles - un peu grises, comme la traître surface de la mer, aux profondeurs menaçantes. »


Louis Aragon : Œuvres romanesques complètes, tome III

Gallimard - 2003

Édition publiée sous la direction de Daniel Bougnoux avec la collaboration de Bernard Leuilliot « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide » : l’incipit d’Aurélien, ce roman de l’amour impossible paru en 1944, est dans toutes les mémoires. La première phrase des Communistes (1949-1951) mériterait aussi d’être citée, mais elle fait quinze lignes, et l’évocation du déferlement des réfugiés espagnols en 1939 n’a pas eu l’honneur de figurer dans les anthologies. Faut-il crier à l’injustice ? Sans doute aucun grand livre n’est-il jamais assez lu et relu, même Aurélien. On conviendra du moins qu’il fallait de l’audace pour inscrire au titre d’un roman le nom de ceux qui connaissent l’opprobre au début de la guerre froide. Et l’on comprend que le titre ait pu desservir le livre, au point de faire oublier qu’il appartient, comme Aurélien, au cycle du Monde réel, dont il constitue la fin. Aurélien et Les Communistes se nouent l’un à l’autre en plus d’un point. En même temps qu’il écrit la partie des Communistes qui concerne la débâcle de juin 1940, Aragon ajoute à Aurélien un « Épilogue » dans lequel le personnage, officier vaincu de 1940, retrouve Bérénice – pour la perdre aussitôt, définitivement. Dans l’un et l’autre roman, l’Histoire se mêle de l’histoire d’amour. À Aurélien et Bérénice pris dans la folie qui suit la Grande Guerre répondent Cécile et Jean exposés au déchirement des années 1939-1940. Quant au titre des Communistes, il faut l’entendre au féminin : ce sont les femmes communistes que l’on voit, décrites au ras du réel, reconstituer un parti et un journal clandestins. Une question plane – pourquoi le pacte germano-soviétique ? – qui fait battre le cœur du patriote Aragon. Alors que penser de ces Communistes ? Prendre « parti » ? chacun est libre de le faire, mais non sans avoir lu.


Introduction aux sciences de la communication

La Découverte - 2002

Cet ouvrage introduit le lecteur aux principaux problèmes traités par les sciences de la communication, qui tentent de se constituer aujourd’hui en discipline autonome. Ils s’y trouvent sélectionnés et échelonnés, depuis la relation interpersonnelle jusqu’aux ouvertures de la mondialisation, en passant par la communication médiatisée et l’évaluation des technologies, anciennes et nouvelles, qui construisent, élargissent et déforment l’espace public des représentations sociales et politiques. Les concepts-clés de la sémiotique, de la pragmatique et de la médiologie interviennent tour à tour, pour relier des problématiques à première vue disparates, mais en réalité communicantes. La " communication " est-elle bonne, est-elle mauvaise ? Sans relayer l’imprécation, ni les naïves promesses, l’auteur s’efforce de mettre à plat des phénomènes complexes, et de les rendre discutables.


Le vocabulaire d’Aragon

Ellipses - 2001

L’œuvre d’Aragon (1897-1982) a épousé la courbe du siècle, et traversé à peu près tous les genres : roman, poésie, essais, critique littéraire, journalisme... A côté de quelques romans d’une grandeur inoubliable (comme Aurélien, ou La Semaine sainte), l’auteur du Fou d’Elsa a su pénétrer la mémoire populaire à travers des poèmes qui sont devenus chansons. La première évidence, pour qui aborde sans prévention Aragon, est celle de ses contradictions : quel rapport entre l’anarchiste et l’apparatchik, entre le libertin et l’amoureux transi, entre le poète lyrique et le critique pointilleux ; entre l’envergure démesurée de ses ouvrages et les pulsions de destruction qui les traversent ? Devant la richesse inouïe d’une telle variété d’écrits, il est difficile de les rapporter au même individu ; Aragon enseigne d’abord par ceux-ci le mouvement perpétuel, ou l’invention à jamais inachevée de la personne humaine. Et il nous rappelle que celui qu’on prend pour l’auteur est toujours croisé : avec ses modèles littéraires ou ses intercesseurs, avec sa femme Elsa Triolet pour les grands romans du Monde réel, ou en général avec ces terribles circonstances hors desquelles il ne concevait pas d’écriture véritable. On ne résume pas une pareille démarche, mais on peut y repérer des carrefours qui sont autant d’étoiles dans la trame du texte ou du chant : d’Aimer à Transmission, trente-deux entrées permettent d’approcher le poème comme problème, et les modes d’emploi du roman, c’est-à-dire de la vie quand elle se parle.


Louis Aragon : Œuvres romanesques complètes, tome II

Gallimard - 2000

Édition publiée sous la direction de Daniel Bougnoux avec la collaboration de Raphaël Lafhail-Molino 1935-1945 : la décennie couverte par ce volume voit se multiplier les combats, et des drames qui dépassent l’échelle de l’œuvre littéraire d’un individu, mais dans lesquels plus que d’autres auteurs Aragon se trouve pris. Jamais peut-être son génie ne fut plus grand qu’au cours de ces dix années, où sa vie aura plusieurs fois basculé et où il sut, avec le sang-froid du militant et le recul de l’écrivain, marier sa propre histoire à de terribles circonstances. Au nombre de ces circonstances, la guerre, bien sûr : publié en 1936, Les Beaux Quartiersfait renaître l’atmosphère d’une autre avant-guerre, celle de 1913. Et en août 1939, alors qu’Aragon met la dernière main aux Voyageurs de l’impériale, le schéma se reproduit : l’auteur se découvre mobilisable au moment précis où son héros, Pascal, est mobilisé. Été 14, été 39 : les deux saisons se répondent pour placer le roman sous l’aveuglante lumière du désastre. Quant aux nouvelles de Servitude et grandeur des Français (1945), elles portent un sous-titre – « Scènes des années terribles » – qui se passe de commentaire ; mais ces « scènes » où se mêlent la rage et l’allégresse contiennent des pages qui sont parmi les plus inspirées d’Aragon.


La communication par la bande : Introduction aux sciences de l’information et de la communication

La Découverte - 1998

Ce livre a pour ambition de présenter les différentes théories de la communication et de l’information en les articulant entre elles, et d’ajuster ainsi l’offre pédagogique à la demande d’un large public, en particulier des étudiants. L’auteur a choisi une forme d’exposition originale : l’évocation d’une quinzaine de bandes dessinées (du Nid des MarsupilamiàLittle Nemo, en passant par Le Secret de la Licorne ou Lucky Luke) lui sert d’ouverture à l’exposé des principaux problèmes et théories. Cette formule lui permet d’expliciter aussi bien les concepts essentiels de ce champ de connaissance (symbolique, pragmatique, énoncé/ énonciation, récursion, autoréférence, médiation, clôture informationnelle, etc.) que les théories qui les utilisent (logique, cybernétique, pragmatique, médiologie, sémiotique, psychanalyse, intelligence artificielle, etc.) ou les objets auxquels celles-ci s’appliquent (icônes, parole et écriture, publicité...). L’ensemble est complété par un index, un glossaire et une série de bibliographies thématiques qui seront particulièrement utiles au lecteur.


Le fantôme de la psychanalyse : Critique de l’archéologie freudienne

Ombres - 1998

Louis Aragon : Œuvres romanesques complètes, tome I

Gallimard - 1997

Édition publiée sous la direction d’Olivier Barbarant avec la collaboration de Daniel Bougnoux, François Eychart, Marie-Thérèse Eychart, Nathalie Limat-Letellier et Jean-Baptiste Para. Préface de Jean Ristat Aragon ne ressemble pas à l’image que l’on a de lui, celle d’un poète qui, après avoir pris part à l’aventure surréaliste, a recouru à la rime et à des formes traditionnelles pour chanter la France résistante, le parti communiste et l’amour d’Elsa. Sa voix propre est sans doute moins célèbre que celles que lui ont prêtées les chanteurs. Il arrive en effet qu’on ne voie en lui qu’un parolier de génie, surtout quand on néglige de « commencer par le lire ». Sa poésie, il est vrai, n’est pas un rébus ; elle demeure une parole intelligible, ce qui la rend accessible, ce qui permet aussi à ses non-lecteurs de se méprendre à son propos. Aragon, à qui le lit, apparaît comme le poète du mouvement perpétuel. Inventeur de formes et de mètres nouveaux, il ne s’en tint jamais à ses découvertes, continua de se renouveler, contesta les genres anciens sans les refuser : en les utilisant. Comme Hugo (vu par Mallarmé), « il était le vers français personnellement ». Comme Hugo encore, il eut plusieurs cordes à son instrument et n’en négligea aucune. Voici donc toute la lyre d’Aragon, rassemblée, ainsi qu’il l’a souhaité, dans l’ordre chronologique, depuis Feu de joie jusqu’aux Adieux en passant par des traductions et des textes épars dont cette édition offre le recueil le plus complet jamais réalisé. On a pris l’habitude de distinguer trois périodes dans ces soixante années de création : l’appel à l’imaginaire des époques dadaïste et surréaliste, la quête de la réalité à travers les noces de l’écriture et du militantisme (dont la poésie de la Résistance est la plus belle illustration), le lyrisme intime, enfin, qui offre une incessante relecture de soi via une diversité inouïe de formes. Ces deux volumes montrent qu’Aragon, en fait, ne changea jamais tout à fait de matière, que tous les enjeux de sa poésie – la langue, l’Histoire, le sujet individuel – sont toujours présents, même si l’accent est mis tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre. Son œuvre poétique a l’unité, labyrinthique certes, mais incontestable, d’un océan. On en a beaucoup fréquenté les plages ; on peut désormais l’explorer jusque dans les grandes profondeurs.


La communication contre l’information

Hachette Littératures - 1995

Une approche nouvelle des concepts d’information et de communication et des rapports dialectiques qu’entretiennent ces deux notions : l’information émerge de la communication mais peut aussi y demeurer captive. ’ une réflexion sur les problèmes institutionnels que pose cette relation complexe : comment tirer parti de la multiplication effrénée des services de communication - ou concilier vitesse de la communication et lenteur d’une réelle investigation ? ’ le point sur les enjeux éthiques d’une telle prolifération d’informations et de communication, quand l’art, la justice ou la science risquent sans cesse d’être court-circuités par les médias.


Sciences de l’information et de la communication

Larousse - 1993

La communication est partout, mais c’est une science introuvable. Qu’est-ce qui, dans le travail, dans la répartition des savoirs, dans les jeux de l’imaginaire, dans la guerre, la paix ou la démocratie... a changé avec la transformation des outils de communication ? En éclairant les modernes par les anciens (et réciproquement), cette anthologie montre comment Rousseau s’inquétait de la société du spectacle, ou Platon des progès de la machine logique. Plus de 80 textes, dressés aux principaux carrefours de cette nouvelle discipline, de la sémiotique aux statésies du discours, de la psychanalyse à l’’ntelligence artificielle ou à la médiologie, mettent à la portée des étudiants les éléments essentiels pour interroger l’énigme de la relation humaine.


Vices et vertus des cercles : L’autoréférence en poétique et pragmatique

La Découverte - 1989

L’époque, dit-on, est à la communication. Verra-t-on revenir celles des sciences et des arts ? Muni des concepts (dont on n’a pas encore toute la mesure) proposés par Peirce, l’école de Palo Alto, Edgar Morin ou Douglas Hofstadter, l’auteur explore ici la réflexivité dans le langage, depuis la poésie jusqu’aux speech acts. Les paradoxes et les percées théoriques condensés dans une page de Mallarmé, de Montaigne ou de Proust se retrouvent en effet, à l’autre bout de la chaîne parlée, dans l’ironie, le métalangage ou les enchevêtrements de l’énoncé et de l’énonciation. Mais pourquoi toujours penser nos communications selon le modèle linéaire de la chaîne ? Un émetteur et un récepteur, en se bouclant l’un sur l’autre, formant un « complexe » qui invite à poser la relation avant les termes de celle-ci. En suivant ce paradigme communicationnel, Daniel Bougnoux montre en-deçà et au-delà des logiques linéaires et dialectiques l’insistance d’une logique circulaire : sans son mouvement perpétuel d’ouverture et de fermeture, nous ne saurions communiquer. Mais les boucles étranges ne cessent de déborder nos langages. Dans les roues de la vie comme dans la dynamique de l’imaginaire, ou la gravitation des ensembles sociaux, s’observerait la même communication circulaire, dont la raison nous fait tant défaut.

Atelier-monde : le peuple qui manque

Grands débats en vidéo
Saint-Malo 2012

Avec Patrick Chamoiseau, Shumona Sinha, Alaa El Aswany, Makenzy Orcel, Daniel Bougnoux, Philippe Mouillon