2007 : Le printemps de la littérature

Jean ROUAUD, Alain MABANCKOU, Anna MOÏ, Abdourahman WABERI, Michel LE BRIS

Cinq prix littéraires sur les sept principaux décernés cet automne à des écrivains que l’on dit — le plus souvent avec quelle condescendance ! — « francophones » : l’événement est historique, à tout le moins le signe d’un basculement d’époque. Le manifeste publié en écho dans le Monde a été ce printemps un coup de tonnerre dans le milieu littéraire. 44 parmi les plus grands écrivains de langue française, du monde entier, prenant position pour une « littérature monde en français » ! Pour aucun d’eux il ne s’agissait, bien évidemment, d’engager on le sait quelle croisade contre la prééminence de l’anglais, ou de telle autre langue. Mais de marquer l’urgence d’en finir, en France, avec des décennies de formalisme, de nombrilisme, « d’avant-gardismes » divers, bref, de refus de la fiction pour affirmer que la littérature n’est jamais aussi forte, nécessaire, que lorsqu’elle s’attache à dire le monde, à donner visage et mots à l’inconnu du monde.

Une littérature monde en français, donc, aussi. Parce que ce « désir-monde » apparaît avec une force singulière dans cette « périphérie » que l’on dit « francophonie ». Et une littérature monde en France : parce que cette « périphérie » est déjà à l’intérieur, dessine les contours d’une France nouvelle, diverse, colorée, riche de toutes ses composantes. Et parce qu’il nous semble bien qu’un vent nouveau commence à souffler sur le roman français, comme en témoignent les auteurs sélectionnés pour le prix Ouest-France/Étonnants Voyageurs : quel coup de jeune, tout d’un coup ! Et quelle vitalité !

C’est notre combat depuis toujours : que la littérature française s’ouvre enfin aux vents du monde. Le manifeste. Et puis un livre collectif, publié chez Gallimard à la veille du festival, rassemblant vingt-cinq contributions. La création enfin d’une « Convention de Saint-Malo » réunissant la plupart des signataires dans une structure permanente. Tout Saint-Malo va bruisser de débats passionnés — en particulier, trois journées de débats de fond, salle Maupertuis, sur toutes les facettes de cette effervescence ! Rien moins que la naissance d’un mouvement. La fiction revient. La poésie revient. Et c’est croyons-nous la meilleure des nouvelles.

Michel Le Bris