SUBRAHMANYAM Sanjay

Inde

20 février 2018.

Éminent historien, enseignant à UCLA, polyglotte, Sanjay Subrahmanyam est l’un des plus grands spécialistes de l’histoire de l’Inde au XVe siècle et un maître de l’Histoire globale. Il publie en 1997 Vasco de Gama, une biographie très remarquée qui marque la fin de l’ethnocentrisme occidental sur le sujet, et dont le succès le propulse sur le devant de la scène universitaire de la World History. Son dernier ouvrage L’Inde sous les yeux de l’Europe s’intéresse à la vision que les Européens avaient de l’Inde avant la colonisation. Un voyage fascinant dans la culture indienne et une galerie de portraits hauts en couleurs, qui permettent de porter un regard neuf sur l’élaboration de la pensée européenne.

 

Écrire une « histoire connectée », décentrer le regard conquérant et confronter différents points de vue, critiquer et croiser des textes d’origines diverses en interprétant une variété d’archives. Cette approche de l’histoire, Sanjay Subrahmanyam la pratique au plus haut niveau, grâce à sa connaissance de nombreuses langues (tamoul, hindi, anglais, français, ourdou, espagnol, portugais, allemand, italien, persan, danois, néerlandais), grâce à sa formation pluridisciplinaire d’économiste et d’historien, grâce à son expérience personnelle de nomade, ayant vécu et travaillé sur plusieurs continents et absorbé de multiples influences.

Pour illustrer ce nomadisme, il suffit d’évoquer le parcours de Sanjay Subrahmanyam. De l’Inde à Paris, en passant par le Portugal, l’Angleterre et les Etats-Unis. Né à Delhi, il fait le choix pendant ses études de rester en Inde lorsque tous ses amis décident de s’expatrier. Il devient rapidement l’un des plus grands spécialistes de l’histoire de l’Inde du XVe siècle, et commence à s’intéresser aux voyages de Vasco de Gama. Il publie en 1997 une étude poussée sur le célèbre explorateur, qui le propulse aussitôt au devant de la scène universitaire et dans laquelle il détruit l’icône chère au nationalisme portugais, comme fondateur désintéressé d’un empire pour la remplacer par l’image beaucoup plus contrastée d’un homme cupide, cruel et ignorant tout des régions civilisées qu’il avait abordées par la route maritime nouvelle du Cap de Bonne Espérance. Parmi les nombreuses autres publications de Sanjay Subrahmanyam, on peut citer The Political Economy of Commerce : Southern India, 1500-1650, (Cambridge University Press, 1990) où il analyse l’économie de l’Inde du Sud au XVIème et XVIIème siècles et l’empire portugais d’Asie, décrivant sous un jour nouveau la colonisation portugaise sur les côtes et les îles de l’océan Indien.
Invité dans toutes les grandes universités du monde, il a occupé des chaires à l’université de Delhi, à l’EHESS de Paris, à l’université d’Oxford, à l’UCLA (Los Angeles) et, depuis 2013, au Collège de France.
Dans son ouvrage publié en 2013, Comment être un étranger, il interroge le sentiment d’appartenance à la culture en racontant les destins croisés de trois personnages historiques entre l’Europe, l’Iran et l’Inde moghole aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.

Il réunit en 2015 dans les Leçons indiennes, itinéraires d’un historien des articles qu’il publie entre 1995 et 2012 et qu’il destine à un lectorat plus large. Le recueil de Sanjay Subrahmanyam foisonne de sujets et le lecteur nomadise, suivant le cheminement personnel de l’auteur, de Vasco de Gama aux attentats du 11 septembre 2001 : « La civilisation indienne est-elle un mythe ? (…) Comment relier qualité littéraire, vénération du pouvoir, culte de la personnalité de l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez ? Éclectique, l’historien revient sur l’œuvre de l’écrivain V. S. Naipaul, questionne le destin des Thugs, bandits de grands chemins du XIXe siècle, mais aussi le 11 septembre 2001… » (Emmanuel Hecht, L’Express ).

Son nouvel ouvrage, L’Inde sous les yeux de l’Europe, s’intéresse à la vision que les Européens avaient de l’Inde avant la colonisation britannique du XVIe au XVIIIe siècle. Un voyage fascinant dans la culture indienne et une galerie de portraits hauts en couleurs, qui permettent de porter un regard neuf sur l’élaboration de la pensée européenne. Car, la rencontre avec ce qu’ils appellent l’Inde a en réalité permis aux Européens de se penser eux-même, de penser l’Europe et de penser le christianisme, bien plus qu’une quelconque connaisance de la culture indienne elle-même.


Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

L’Inde sous les yeux de l’Europe

Alma - 2018

Comment l’Europe a-t-elle vu l’Inde avant la colonisation britannique ? A travers une étonnante galerie de portraits, Sanjay Subrahmanyam invite à de surprenants voyages dans le temps et dans l’espace du XVIe au XVIII siècle.

Quand, au XVe siècle, les Portugais franchirent le cap de Bonne-Espérance pour aborder le sous-continent indien ils ne disposaient guère de témoignages directs sur ces immenses contrées connues depuis l’Antiquité mais essentiellement légendaires. Très vite les Anglais, les Hollandais, les Français les Italiens et les Allemands leur emboîtèrent le pas. Marchands, diplomates, missionnaires, militaires et savants : ils furent nombreux à tenter l’aventure. Dans cette étonnante suite de portraits, Sanjay Subrahmanyam montre que leurs points de vue sur l’Inde – ou les Indes – dépendent largement de leur nationalité et de leur profession, sans compter les traits de caractère personnels. Du XVIe siècle jusqu’à la veille du XIXe siècle et de la colonisation britannique c’est tout un savoir sur l’Inde qui se constitua mais aussi une certaine manière de penser… l’Europe et le christianisme.
Enquêtant aussi bien dans les registres des diverses Compagnies des Indes, que dans les archives des jésuites, les mémoires, les correspondances diplomatiques ou les communications des sociétés savantes, le grand historien indien étudie comment le regard européen (histoire, géographie, politique, religion) fut orienté par les collections de manuscrits, de peintures et d’objets qui passèrent de l’Orient à l’Occident. Il montre une nouvelle fois combien il est difficile de parler d’une « rencontre » des cultures : l’objet « Inde » construit par les Européens a nourri leur réflexion sur le langage, la religion et le commerce plus qu’il ne leur en a appris sur l’Inde elle-même. La connaissance que l’on a de l’autre doit toujours être comprise en tenant compte des circonstances de son élaboration.

Traduit de l’anglais par Johanna Blayac