AL MASRI Maram

Syrie

23 avril 2012.
 

À l’heure où les bombes pleuvent sur Homs et que la Syrie s’enfonce peu à peu dans le chaos, une voix s’élève : celle de Maram Al-Masri, dont le chant triste berce les langues arabe et française. Portant un regard tendre et douloureux par delà la Méditerranée, la poétesse installée en France s’élève comme l’une des grandes plumes féminines du Moyen-Orient.

Poétesse de l’exil, elle fuit vers la France en 1982, où elle connait une vie difficile jusqu’à la publication de son premier recueil, Cerise Rouge sur un Carrelage Blanc (2003), qui connait rapidement un grand succès. Lauréate du prix SGDL en 2007 pour Je te Regarde, Maram Al-Masri est aujourd’hui saluée à chacun de ses recueils par la critique française comme par le monde littéraire arabe. Avec beaucoup d’adresse, elle revitalise la beauté et la grâce des cultures arabes en transportant les lecteurs au milieu des jardins verts de Damas, tout en ne cédant jamais aux pièges d’un orientalisme fantasmatique.

Maram Al-Masri milite aussi pour la liberté de la femme, bafouée au quotidien dans les pays arabes par des bourreaux domestiques et des lois inégalitaires et misogynes. Plutôt que celle d’un peuple, c’est d’abord la voix de la colère et des souffrances des femmes que portent ses textes.

Au travers de la poésie, elle milite pour le droit inaliénable à la tendresse, à l’amour et l’érotisme, sujets trop souvent tabous, à l’origine de frustrations. Cependant, au delà d’une poésie libératrice, Maram Al-Masri écrit par amour de la langue : elle livre avec La Robe Froissée, son dernier recueil, une ode à la beauté des mots. Pour son éditeur Bruno Doucey, sa sensualité n’a rien d’une transgression : "avec des mots simples, dans les deux langues qu’elle affectionne, l’arabe et le français, une femme libre fait l’amour aux mots. Pour elle, l’écriture est une eau qui coule de la fontaine à la bouche."

Prix Al Bayane de la Poésie 2013, décerné par le quotidien marocain éponyme, son dernier recueil de poèmes Elle va nue, la liberté tente de poser les mots sur l’horreur du conflit syrien. Sa poésie acquiert ici une force d’évocation sans pareille ; elle devient le témoignage le plus bouleversant de la douleur de milliers de femmes et d’enfants.


En savoir plus

Le blog de Maram Al-Masri


Bibliographie :

 

DERNIER OUVRAGE

 
Récit

Elle va nue, la liberté

Bruno Doucey - 2013

Maram al-Masri est l’exilée d’un pays-blessure qui saigne en elle. Petite mère d’orphelins. Funambule toujours sur le fil entre tristesse et espérance. Je l’ai vue se vêtir du drapeau de son pays, incarnant la Syrie martyrisée ; glisser son portable sous son oreiller, ne plus respirer, ensevelie sous ses morts. Depuis que la révolution syrienne a éclaté, Maram guette chaque jour les vidéos sur Facebook ou YouTube. Ainsi sont nés les poèmes de ce recueil. Ils ne cherchent pas à apprivoiser les images de l’horreur, ils nous les donnent à voir. Là, une mère porte en terre son enfant. Ici, un enfant figé près du cadavre de ses parents. Et ces caisses de bois nu qui dansent, dansent… La journaliste que je suis s’incline devant cette incomparable puissance d’évocation. Ce carnet intime d’une douleur n’a pas fini de nous hanter.