Une rencontre essentielle, s’agissant des littératures caribéennes, de leur rapport à l’oralité, et de leur invention langagière qui renouvelle la littérature française contemporaine
Non pas simplement quelques mots “pittoresques”
ici et là pour agrémenter un brouet
quelque peu insipide, ou de ces expressions
populaires si appréciées dans les salons, ou sur
les plateaux de télévision, propres à faire valoir
une variété “exotique”, “folklorique”, de la littérature
française — qu’on s’empresse aussitôt
après de ranger dans un tiroir– mais la
langue, vraiment : une invention langagière
totale, brassant les mots, les mondes, les mythes,
inventant des rythmes, des sons, comme il est
peu d’autres exemples dans la littérature française
contemporaine, une invention nourrie
sans doute de traditions orales, mais d’abord
s’inventant dans un prodigieux travail d’accouchement,
où il nous semble que c’est le
monde lui-même qui naît devant nous : la littérature,
tout simplement, à sa plus haute puissance
d’incandescence. Tous ces écrivains sont
d’abord des prodigieux créateurs de langage ! Une
rencontre indispensable, pour s’en convaincre, le
lundi 31 mai 16.00, à l’Auditorium, avec quelques-uns d’entre
eux : Raphaël Confiant, Jean-Claude Fignolé, Gary Victor, Yanick Lahens et Lyonel Trouillot.
DERNIER OUVRAGE
Romans
Veilleuse du Calvaire
Actes Sud - 2023
Lyonel Trouillot raconte l’histoire d’un paysage de pierres, de rivières et d’ombrages, celle d’une colline abîmée par la violence et la cupidité des hommes. Un notaire sans scrupule y jette un jour son dévolu, la divise en parcelles pour la livrer à une cohorte de prédateurs, criminels, affabulateurs ou tortionnaires. Mais depuis toujours en ce lieu règne la Veilleuse du Calvaire, celle qu’on a prise pour une madone, un fantôme, un esprit et qui n’est rien de cela. “Je suis, dit-elle, ton devoir de mémoire qui a choisi un corps de femme pour qu’il n’y ait dans le récit ni mensonge ni omission. Au passé comme au présent, nos corps portent les marques de toutes les offenses et de tous les dénis. Comme ils sont le chemin de toutes les promesses.”
Dans l’oeuvre de Lyonel Trouillot, le courage des femmes est un personnage en soi. Le geste de cet écrivain est toujours politique, mais ses appels sont des poèmes, des romans, et parmi eux ce livre-cri, ce livre-chant, celui de celles qui, sur l’île d’Haïti comme dans le monde entier, sont en lutte face à la folie des mâles, le mépris, l’irrespect et la haine dont elles sont les cibles et les victimes.
« Avec Lyonel Trouillot, le lecteur a l’habitude de sortir de sa zone de confort. Dans Veilleuse du Calvaire, le poète, journaliste, professeur de littérature et romancier haïtien l’invite un peu plus encore à lâcher prise et à oublier les schémas romanesques classiques. [...] Il poursuit avec ce texte concis mais si riche, sa cartographie imaginaire de Port-au-Prince et d’Haïti, puisée au plus près de son histoire et du réel. Magistral petit roman. » Marianne
« Lyonel Trouillot se définit modestement en tant que citoyen engagé à décrire ce qu’il voit et entend. Veilleuse du Calvaire explore le quartier de Bel Air à Port-au-Prince en tant que microcosme de la société haïtienne, décrivant son passé vibrant et sa dégradation actuelle marquée par la prédation et l’exploitation. » France Culture
« Avec la Veilleuse du Calvaire, sorte de figure féminine éternelle, « indescriptible nécessité du cri », le roman de Lyonel Trouillot parle du mal fait aux femmes. » Libération
« Une ode vibrante à l’esprit libérateur féminin. » L’Humanité
DERNIER OUVRAGE
Romans
L’Oiseau Parker dans la nuit et autres nouvelles
Sabine Wespieser Éditeur - 2019
Tout comme L’Oiseau Parker dans la nuit – une saisissante histoire d’amour, d’impossible et de musique, adaptée pour RFI par la comédienne Mireille Perrier, qui l’a lue au festival d’Avignon en 2015 –, les nouvelles de ce recueil racontent la vie quotidienne en Haïti, les tragédies, les violences (urbaines ou rurales), les croyances séculaires, les femmes courageuses et les hommes endurants de cette île-monde que Yanick Lahens ne cesse de mettre en scène dans son œuvre.
Ce volume est composé des trois recueils parus à ce jour, essentiellement en Haïti, et indisponibles en France : Tante Résia et les Dieux (L’Harmattan, 1994) ; La Petite Corruption (Éditions Mémoire, 1999 ; Legs édition, 2014) ; La folie était venue avec la pluie (Presses nationales d’Haïti, 2006 ; Legs édition, 2015).
Ces textes, présentés ici dans l’ordre de leur publication, apparaissent comme la genèse de l’œuvre romanesque à venir – certaines nouvelles, à l’image de Bain de lune, ont du reste été la matrice de futurs romans. Leur écriture était déjà le témoignage de l’acuité, mais aussi de la tendresse, avec lesquelles l’auteure scrute la société où elle vit. Devenue une grande voix de la littérature de son pays, Yanick Lahens y annonçait, par la netteté de son style, par la force d’émotion et le souffle poétique qui s’y déploient, la puissance et l’importance de l’œuvre en cours.
DERNIER OUVRAGE
Romans
Masi
Mémoire d’Encrier - 2018
On chuchote que, grâce à La flûte enchantée de Mozart, le citoyen Dieuseul Lapénuri est nommé ministre aux Valeurs morales et citoyennes, avec le mandat d’arrêter la dégradation des mœurs et l’abomination qui gangrènent la République. L’île sombre dans la luxure. Le président se croise les bras et s’amuse à jouir, en criant Whitman, Rimbaud et Baudelaire. Entretemps, la première édition du festival gay et lesbien Festi Masi est annoncée. Les autorités s’y opposent de toutes leurs forces. Le festival, devenu affaire d’État, prend des proportions inimaginables. Cette ruée vers la vertu, on le sait bien, n’est que mirages et effronteries. Un roman qui nous propulse dans les bas-fonds de l’âme humaine.
"Farce politique aussi bien hilarante que cruelle, son roman met au jour l’érosion de pays gouvernés par des gens avides de pouvoir. Contre l’attentisme, Victor nourrit la gronde et convoque le changement. » Le Devoir
“Dans cette comédie de mœurs à suspense, ce n’est pas seulement Haïti, mais l’homme face au pouvoir, à l’éthique, et à la différence que Gary Victor met en scène avec une plume totalement libre et d’une vivacité digne de la comedia dell’arte.” Le Point
“De péripéties ubuesques en situations surréalistes, Gary Victor interroge la complexité des désirs dans ce Masi jubilatoire.” Le Monde