VANN David

États-Unis

7 mars 2024.

Un temps aventurier, il traverse les États-Unis en char à voile et tente le tour du monde à la voile. Son succès littéraire naît du récit de cette dernière aventure : Sukkwan Island (Éditions Gallmeister, 2010). Proche de la mouvance du nature writing, l’écrivain né en Alaska a fait une entrée fracassante en littérature avec ce roman sombre et puissant, Prix Médicis étranger. Il s’est depuis imposé comme un romancier d’envergure, dessinant progressivement les contours d’une œuvre où s’entremêlent drames familiaux et nature inquiétante. Les obsessions de David Vann nourrissent ainsi des personnages oscillant entre folie et rédemption, pris au piège de huis clos tragiques dans des décors à couper le souffle. Dans son nouveau roman,​​ La contrée obscure (Éditions Gallmeister, 2023), il livre une saga grandiose sur l’épopée froide et sanglante des conquistadors de Floride, rendant justice à ses racines cherokee et à son inclination pour les expéditions maritimes.

 

Les romans de David Vann sont d’abord liés à son histoire personnelle, qui éclaire son œuvre d’une obscure lumière. À l’âge de treize ans, alors qu’il vit en Californie avec sa mère, il refuse de passer un an chez son père dans sa région natale comme ce dernier le lui a proposé. Quinze jours plus tard, son père met fin à ses jours : suivront vingt ans de culpabilité, d’insomnies, et de tentatives d’écriture vaines. Un jour, au beau milieu d’une traversée en mer, lui vient l’idée fulgurante de son livre : il en écrit la majeure partie en dix-sept jours, transformant son passé traumatique en fiction. Sukkwan Island raconte ainsi l’histoire d’un père et de son fils partis vivre en autarcie sur une île déserte d’Alaska. L’expérience devait rapprocher ces deux êtres qui se connaissent peu, mais le père est fragile, mal préparé à protéger son fils des éléments extérieurs et de sa propre dépression. En quelques lignes, l’histoire bascule dans l’horreur, laissant le lecteur pétrifié.

Longtemps confronté au refus des éditeurs qui jugeaient son manuscrit trop noir, David Vann a eu de multiples vies avant la publication de son premier roman. Marin dans l’âme, il a longtemps gagné sa vie en naviguant en Méditerranée et aux Caraïbes, parcourant plus de 40 000 miles sur presque toutes les mers du monde. Il fit même naufrage sur un bateau construit de ses propres mains en tentant un tour du monde (A Mile Down : The True Story of a Disastrous Career at Sea en fait d’ailleurs le récit). Il a également monté une affaire de croisières en Turquie ou encore traversé les Etats-Unis en char à voile. Au cours de ses voyages, David Vann a également écrit de nombreux reportages et collaboré avec plusieurs magazines comme The Atlantic Monthly, Esquire ou encore le Writer’s digest. Suite à sa dénociation de la culture des armes aux Etats-Unis dans Goat Mountain ou Dernier jour sur terre, très mal acceuillis par la critique et le public, David Vann quitte définitivement les Etats-Unis face à une opinion américaine outrée. Il partage aujourd’hui son temps entre la Nouvelle Zélande, où il vit, et l’Angleterre, où il enseigne la Littérature.

Il n’a cependant jamais arrêté la fiction et publie en 2011 Caribou Island, un roman baigné par la lumière froide du soleil d’Alaska, dans lequel on retrouve la mélodie puissante de Sukkwan Island. Le livre, qui sort en France sous le titre Désolations, raconte une histoire intense d’amour et de solitude, où les tourments des êtres trouvent un écho dans la dureté grandiose du décor et la force brutale des éléments. Changement de décor en 2013 : avec Impurs, l’auteur s’aventure cette fois dans la fournaise californienne pour suivre la famille du jeune Galen qui se consume à petit feu. Un roman suffocant, écrit sur le fil du rasoir. Puis sort en 2016 son roman Aquarium, dans lequel l’auteur troque l’inquiétante majesté de la nature pour la grisaille d’une banlieue de Seattle, où la jeune Caitlin n’a comme seule échappatoire à sa solitude qu’un aquarium, et un vieil homme avec qui elle se lie d’amitié en contemplant les poissons…

Avec L’Obscure clarté de l’air, dans lequel il s’attaque à un mythe à la mesure de son talent : Médée. David Vann devait tôt ou tard s’y confronter, lui qui n’a eu de cesse de mettre en scène des personnages solitaires, tourmentés, aux prises avec des contextes familiaux empreints de violence. L’obscure clarté de l’air nous replonge ainsi dans l’histoire de celle qui, trahie par Jason, décida de tuer ses enfants de ses propres mains. Tout à la fois libre et amoureuse, féroce et bafouée, infanticide et féministe : une relecture moderne d’une héroïne tragique et le portrait d’une femme complexe, dans une langue sombre, sublime, pressée. Un roman qui vient clore une oeuvre marquée par la sauvagerie de l’humanité et l’absurdité du monde, au milieu du désordre familial et social.

De retour avec La contrée obscure, David Vann signe une œuvre virtuose sur le choc sanglant des cultures, mêlant avec intensité l’intime à l’universel.

Bibliographie

Paru en France

Paru aux Etats-Unis

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

La contrée obscure

Éditions Gallmeister - 2023

Le 3 juin 1539, le conquistador espagnol Hernando de Soto enfonce son épée dans le sol de La Florida et se proclame gouverneur officiel, adoubé par le roi Charles Quint. Au terme d’un périlleux voyage, après avoir bravé la fougue de la mer et la rage de ses ennemis, le voilà enfin face à son destin. À lui les richesses, à lui la gloire, il bâtira là une nouvelle cité qui portera son nom. Aveuglé par l’ambition, obsédé par l’or, de Soto déferle sur les terres avec ses conquistadors. Mais ces nouvelles contrées se révèlent hostiles, peuplées de Cherokees qui se battent farouchement. Face à l’avidité des espagnols, leur résistance se nourrit des mystères de la création et de mythes. Comme celui de l’Enfant Sauvage qui renaît chaque jour, et avec lui, la soif salvatrice de sang. 


Explorant l’héritage de ses ancêtres cherokees, David Vann signe une œuvre virtuose sur le choc sanglant des cultures, mêlant avec intensité l’intime à l’universel.

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laura Derajinsk