HADDAD Hubert

France

18 avril 2024.

Poète, romancier, dramaturge et essayiste, Hubert Haddad s’est donné pour mission de « redonner une place en littérature à l’imaginaire et à ses pouvoirs infinis ». Auteur d’une œuvre considérable, il lance en 2016 Apulée, revue de littérature et de réflexion avec, entre autres, Yahia Belaskri et Jean-Marie Blas de Roblès, et dont le neuvième numéro paraît en avril. En 2023, l’écrivain redonne vie à plus de 120 artistes célèbres ou oubliés dans L’art et son miroir (Zulma, 2023), un bel essai d’histoire de l’art dans la sélection 2023 des Prix André Malraux et Renaudot.

 

L’univers mouvant d’Hubert Haddad gravite de longue date autour d’une idée fixe : « redonner une place en littérature à l’imaginaire et à ses pouvoirs infinis ». À l’instar de Georges-Olivier Chateaureynaud ou Marc Petit, Hubert Haddad a été identifié dans les années 1990 comme l’un des représentants de la « Nouvelle Fiction française ». Pour cet écrivain prolifique, « l’écriture doit être une invention permanente, par déclinaison, mutation, coup de poker. »

À 20 ans, l’homme publie son premier recueil Le Charnier déductif (1967) et lance au même âge une revue, Le Point d’être, aux marges de la mouvance surréaliste. Ce fils d’immigré, né à Tunis en 1947, vient « d’un milieu acculturé, indigent, dans l’exil et l’absence, avec en héritage la tentation du suicide ». Pour lui, « la poésie a vite pris toute la place, violente, exclusive, multiple dans ses investigations tant verbales que plastiques. » Le poète Haddad mue rapidement en polygraphe se frottant à tous les genres (théâtre, essais, romans…) ainsi qu’à la peinture et à l’illustration.

Parmi les nombreux titres de son imposante bibliographie, on peut signaler le roman Palestine (Prix Renaudot Poche 2009) : une fiction poétique ancrée au cœur du conflit israélo-palestinien. L’auteur (lui-même juif arabe) y met en scène un soldat israélien frappé d’amnésie après sa capture par des Palestiniens et interroge la notion d’identité.

Dans la veine de Palestine, Hubert Haddad s’empare à nouveau avec Opium Poppy d’un sujet d’« actualité » : l’histoire d’un enfant afghan, pris dans la tourmente de la guerre puis contraint à l’exil et à la débrouille dans les marges de Paris. Loin du ressassement journalistique, l’écriture élégante et poétique d’Opium Poppy donne au récit de cette errance de Kaboul à Paris une portée universelle.

En 2013, il offre avec Le Peintre d’éventail un livre à part, hymne à la civilisation nippone, baigné de spiritualité, époustouflant de maîtrise et de grâce qui a su séduire les membres du jury du Prix Ouest-France Étonnants Voyageurs 2013. Pour prolonger l’expérience, l’auteur publie en parallèle un recueil de poèmes, Les Haïkus du Peintre d’éventail.

Avec Corps désirable (2015), il nous bouleverse et nous emporte. Face aux questions éthiques et existentielles soulevées par une actualité brûlante, entre extravagances de la science et quête d’identité, Hubert Haddad pousse la fiction-vérité dans ses ultimes retranchements. Et c’est sans doute la marque de son œuvre que de recourir aux pouvoirs de l’imaginaire pour saisir sur le vif la complexité et les ambiguïtés d’une époque.

, publié en même temps que Corps désirable, nous transporte de nouveau sur les sentiers du Bout-du-Monde, au Japon. L’écriture y est comme la palpitation miraculeuse de la vie, au milieu des montagnes et des forêts, comme un chemin à travers le chant des saisons...

En 2016, il est l’initiateur et le chef d’orchestre de la revue annuelle Apulée, véritable recueil de littérature et de réflexion, publié chez Zulma. Une collaboration fructueuse entre de nombreux écrivains et artistes aux horizons divers, avec notamment Jean-Marie Blas de Roblès et Yahia Belaskri. Le premier tome est consacré au « Galaxies identitaires », le second s’intitule « De l’imaginaire et des pouvoirs » et le troisième numéro « La guerre et la paix ».

Avec Casting sauvage en 2018, Hubert Haddad fait arpenter un Paris post-13 novembre 2015 à ses personnages en perdition. Un roman de rencontres, entre Damya, ex-ballerine recrutée pour un casting en vue d’une adaptation de La Douleur de Duras, et les personnes qu’elle aborde au gré des rues. Casting sauvage est aussi un merveilleux portrait de Paris, dans toutes ses facettes, ses drames, ses moments de grâce et sa diversité. Une œuvre intense, lumineuse et grave, sélectionnée pour le Prix Ouest-France Étonnants Voyageurs 2018.

Au printemps 2019, la revue Apulée poursuit sa double investigation : face aux bouleversements de l’actuel et dans l’espace inaliénable de la création toujours en devenir. Dans cette 4e livraison, c’est le tissage et le métissage des langues – avec au cœur la traduction à l’origine des grands humanismes tant méditerranéens qu’occidentaux – qui sont à l’honneur.

La même année, il se penche vers le passé, en Pologne au temps de la Seconde Guerre mondiale, avec Un monstre et un chaos. Il signe ici un roman nécessaire aujourd’hui, témoin d’une culture à jamais perdue en suivant les gamins de la guerre au son de refrains yiddish. Ce petit chef d’œuvre bouleverse grâce à la richesse et la puissance de la langue révélant avec justesse ce décor terrible.

Après Le Peintre d’éventail, Hubert Haddad nous entraîne en 2021 dans la magie d’un nouveau jardin entre terre et mer. La Sirène d’Isé nous invite sur l’île de l’Estrande, dans une clinique juchée au bord d’une falaise, face à l’océan. Là vit Malgorne, un enfant sourd, qui crée les règles de son propre monde... Plongeant dans les abysses de la psyché humaine, Hubert Haddad signe un roman magnétique, envoûtant et lumineux.

Son roman, La Sirène d’Isé (Zulma, 2021), conte onirique, nous invite dans un jardin entre terre et mer où se rencontrent deux jeunes âmes esseulées. Et plonge son lecteur dans un rare moment de beauté magique, hors du monde et du temps.


En savoir plus

Un long entretien avec Hubert Haddad sur le blog La plume francophone


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Apulée n° 9 - Art et politique

Zulma - 2024

L’art n’a-t-il pas toujours été politique en soi, qu’il l’affiche ou s’en défende ? Telle est la ligne de front d’Apulée #9, qui s’engage depuis le premier numéro dans les brèches et par-delà toutes les frontières de ce début de XXIe siècle.

De l’architecture comme métaphore du pouvoir à la reconnaissance poli- tique des peuples sans État via leur culture et patrimoine artistiques (les Inuit, les Tsiganes, les Berbères et autres nomades du sens), du pillage ou de la destruction en temps de guerre et de colonisation (de l’Acropole d’Athènes à Palmyre, en passant par l’Afrique) à l’universalisme de l’altérité, ce nouvel opus d’Apulée assume toutes les fulgurations et parie sur la voix et les gestes éminemment engagés d’artistes, écrivains, poètes et intellectuels qui portent, encore et toujours, l’idée de liberté, par-delà les identités fracassées sous les chocs de l’Histoire…

Chaudron des allégories et des résistances, critique inventive des mœurs, lien social, pratiques et voix émancipatrices et subversives, utopie en actes : ce nouvel opus s’attache cette fois encore à l’Humain – sans œuvres ni parole confisquées, à l’opposé de la « société du spectacle » – contre la pulsion de mort commune à toutes les politiques du pire. Et comme Apulée l’a toujours défendu !