CHAMOISEAU Patrick

France

14 mars 2023.

Écrivain majeur de la Caraïbe, il est essentiellement connu pour son travail sur la langue créole. Avec Texaco, formidable fresque épique, brassant souffrances et espérances de trois générations de Martiniquais, il obtient le Prix Goncourt 1992. Après la publication de nombreux autres romans et essais, il revient avec le conteur, la nuit et le panier qui questionne son identité d’écrivain, sa mémoire intime, mais aussi les grands enjeux de la littérature contemporaine, par le prisme du vieux maître-de-la-Parole, conteur créole qui se change en héros. En parallèle, il s’engage pour de grandes causes humanitaires. Après Frères Migrants en 2017, à la fois essai poétique et manifeste, qui rend compte de l’urgence d’un monde où la décence et l’humanité se font rares, il coordonne en 2018 le recueil Osons la fraternité avec Michel Le Bris, qui réunit une trentaine d’auteurs engagés pour un accueil humain des migrants. En 2022, Le vent du nord dans les fougères glacées signe son retour à la fiction. Dans cet « organisme narratif », comme il aime l’appeler, une galerie de personnages extravagants part à la recherche de Boulianno Nérélé Isiklaire, le dernier conteur qui officiait aux veillées funéraires dans les mornes de Sainte-Marie.

 

Principalement connu pour son travail sur la langue créole à laquelle il rend hommage en saluant son inventivité inépuisable, Patrick Chamoiseau est l’un des écrivains majeurs de la Caraïbe.
Lorsqu’il signe en 1989 avec Jean Bernabé et Raphaël Confiant, deux autres grands noms de la littérature caribéenne, un Éloge de la créolité, c’est un véritable coup de tonnerre qui s’abat sur les Antilles. Mettant à mal de nombreux stéréotypes, ce livre s’inspire des théories de la négritude développée par Sédar Sanghor et Aimé Césaire tout en allant plus loin en revendiquant une identité antillaise. Il a depuis signé plusieurs autres essais et notamment Lettres créoles, un essai sur la littérature antillaise, pour lequel il a retrouvé Raphaël Confiant et a publié avec Édouard Glissant, L’Intraitable beauté du monde (2009).

Né en 1953 à Fort de France, Patrick Chamoiseau s’imprègne dès l’adolescence des lectures caribéennes. Après des études de droit et d’économie en métropole, il devient travailleur social, d’abord dans l’hexagone puis en Martinique. Intéressé par l’ethnographie et les travaux d’Édouard Glissant, il se penche sur les formes culturelles disparaissantes de son île natale mais aussi sur le dynamisme de sa première langue - le créole - qu’il a dû abandonner dès l’école primaire.

En 1986, il publie son premier roman, Chronique des sept misères, qui remporte le prix Kléber Haedens ainsi que celui de l’île Maurice. Trois ans plus tard paraît Solibo Le magnifique, dans lequel il s’intéresse à la recherche d’une identité martiniquaise à travers les pratiques culturelles du passé. En 1992, c’est la consécration et la reconnaissance du monde littéraire. Il obtient le prix Goncourt pour son roman Texaco - futur succès mondial -, brassant souffrances et espérances de trois générations de Martiniquais, sous l’esclavage, pendant la première migration vers l’Enville et aujourd’hui. Considéré comme l’inventeur d’un nouveau style linguistique, il emploie un langage accessible aux lecteurs de la métropole qui contient cependant des éléments propres à la culture créole. Maintes fois récompensé, cet écrivain engagé, qui travaille aussi pour la (re)connaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité, s’est essayé à tous les genres, de l’essai au théâtre en passant par le roman, le scénario de film ou la littérature jeunesse. Il a ainsi signé les scripts de Passage du milieu et de Biguine réalisés par Guy Deslaurier et a publié un nouveau roman, L’empreinte à Crusoé. Il revient dans cet ouvrage sur l’histoire du plus célèbre des naufragés, grande figure de l’impérialisme : après vingt ans de domination sur son île, Robinson arpente ses terres comme un maître passe en revue son domaine, jusqu’à ce que le fantôme de ses premières années resurgisse. Patrick Chamoiseau continue ici son combat pour la mémoire de l’esclavage, en s’attaquant à l’une des plus grandes figures littéraires du XVIIIe siècle, âge d’or de la traite négrière.

En 2013 il signe Césaire, Perse, Glissant. Les liaisons magnétiques (Philippe Rey), un essai dans lequel il rassemble trois des plus grands poètes de tous les siècles, tous les trois nés dans les Antilles, trois génies que le théoricien définit ainsi : « L’homme de l’Afrique et de la Négritude. L’homme de l’universel conquérant, orgueilleux et hautain. L’homme des chaos imprévisibles du Tout-Monde. » L’ouvrage est l’occasion pour Patrick Chamoiseau d’établir des relations entre ces maîtres de langue en reliant la personne, le style et la pensée de ces écrivains en apparence si différents.

17 ans après le décès de sa mère, Patrick Chamoiseau sort un livre entre roman autobiographique et essai philosophique sur l’expérience universelle du deuil d’un être cher. La matière de l’absence invoque la mémoire de Nénette Man dans un dialogue du narrateur avec La Baronne, la sœur de l’écrivain et ce que son absence a provoqué en eux. Dans une démarche presque anthropologiue, Patrick Chamoiseau revient sur l’histoire et la culture des Antilles, à travers des traditions et des rituels et nous fait revivre une blessure originelle, la première fois qu’un Homo Sapiens a fait l’expérience de la mort d’un de ses proches.

En mai 2017, il publie Frères Migrants, un essai poétique et manifeste qui rend compte de l’urgence d’un monde où la décence et l’humanité se font rare. Il y prend la défense des migrants, qui, fuyant leurs pays en guerre, sont maltraités par nos sociétés occidentales qui les relèguent à la marge. Suite à cet essai, il coordonne en 2018 un recueil, Osons la Fraternité, en compagnie de Michel Le Bris, dans lequel une trentaine d’auteurs prennent la plume et s’engagent pour un accueil humain des migrants. En 2022 paraît un nouveau recueil, Refusons l’inhumain. Il est aussi partie prenante du projet Baudelaire Jazz, un « chaos-opéra » selon les principes édictées par Édouard Glissant, où se mêlent textes, lecture de poèmes et musique pour célébrer les 200 ans de la naissance du poète.


Bibliographie

Essais

Conte philosophique

Littérature jeunesse

Théâtre

Autres

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Le vent du nord dans les fougères glacées

Seuil - 2022

« Boulianno Nérélé Isiklaire était espécial. Il savait des choses sur le profond du conte, sur la Parole qui demande majuscule, sur la lutte contre la mortalité… Il avait développé une connaissance de tout cela dans le secret de son esprit. »

Le dernier « maître de la Parole » qui, comme les bambous a sept vies et ne fleurit qu’une fois, va s’enfermer dans le silence. Il s’est réfugié dans les hauteurs de l’île, plus haut encore que les mornes où se sont développées les pratiques des veillées. Avant que son retrait ne soit définitif, un groupe espérant qu’il formera l’un des leurs, « le tambour Populo », et, de son côté, une toute jeune fille étrange et solitaire, surnommée « l’anecdote », partent sur ses traces pour qu’il choisisse l’héritier et lui donne en legs sa dernière leçon et le secret de sa poésie. Mais les deux jeunes gens s’associent. Ils vont retrouver, au prix d’innombrables exploits, trois cases successives…

Patrick Chamoiseau renoue donc, au bout de quinze ans, avec sa grande veine narrative riche en personnages inoubliables.