ERDOĞAN Aslı

Turquie

26 mars 2018.

Physicienne de formation, journaliste et grande plume des Lettres turques, elle est connue pour son écriture libre, intrépide, à fleur de peau et son engagement sans faille contre les hontes de son pays, la dictature, la torture, l’oppression des Kurdes, les violences faites aux femmes ou le génocide arménien. En liberté conditionnelle depuis plus d’un an, exilée en Allemagne, elle encourt la prison a perpétuité. Alors qu’elle vient de recevoir la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres, elle publie en français son tout premier roman, L’Homme coquillage, livre fondateur, qui annonce les grands thèmes de son œuvre, hymne à l’altérité et à la sensualité.

 

Romancière et journaliste, Aslı Erdoğan est engagée sur tous les fronts. Farouche défenseuse de la liberté d’expression et des droits humains, en particulier des droits des femmes et de la minorité kurde, elle a notamment représenté la Turquie au PEN Club International dans le Comité des écrivains emprisonnés de 1998 à 2000. Cet engagement, récompensé par de nombreux prix (Prix Tucholsky, Prix Simone de Beauvoir…), lui a valu d’être victime de répression de la part du régime de Recep Tayyip Erdogan. En août 2016, suite au coup d’État manqué, elle est arrêtée avec d’autres journalistes du quotidien d’opposition Özgür Gündem pour « appartenance à une organisation terroriste. » Malgré son état de santé et une forte mobilisation internationale, elle n’est relâchée qu’en décembre 2016, en attente de son procès. Désormais exilée, en attente du verdict, elle écrit, ne reste pas silencieuse : « ma foi dans les mots est inébranlable. » (La Grande Librairie). Elle soutient notamment ses compatriotes Mehmet et Ahmet Altan, condamné à la réclusion à perpétuité.

Aslı Erdoğan est une « virtuose des mots », comme l’a rappelé son ancienne éditrice française Françoise Nyssen en la décorant des insignes de Chevalier des Arts et des Lettres. Ses romans se distinguent par un style mordant et poétique, à fleur de peau. L’écriture lui apporte une sensation de plénitude fantastique : l’écriture de son recueil de nouvelles Le Mandarin miraculeux l’a ainsi soutenue lorsqu’elle travaillait au CERN de Genève, tout comme La Ville dont la cape est rouge lui permit de faire sens de son séjour à Rio. C’est aussi une autre façon de s’engager : « Il faut trouver les mots et les procédés littéraires les plus à même de toucher les lecteurs qui n’ont pas envie d’être confrontés au drame ou à la violence. […] Le recours à l’art et à la littérature est indispensable », explique-t-elle ainsi à Annick Cojean (Le Monde).

Après Le bâtiment de pierre, qui dénonçait le système carcéral turc dès 2009, et Le silence même n’est plus à toi, un recueil des textes qui lui ont valu la prison, c’est son tout premier roman qui est publié en français : L’Homme coquillage. Une chercheuse en physique nucléaire, invitée dans le cadre d’un séminaire sur l’île de Sainte-Croix, aux Caraïbes, s’échappe d’un groupe étouffant pour explorer l’île. Elle y rencontre un vendeur de coquillages au visage lacéré par la police, et découvre la culture caraïbe, « immensément riche, originale et métissée, fruit de siècles de haines et de douleur. » Un roman qui annonce déjà les grand thèmes de son œuvre : sa solitude, ses combats politiques, sa fascination pour les marges et la force de ses personnages. Un roman fondateur, qui est aussi un hymne à la sensualité et à la violence des tropiques.


Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

L’Homme coquillage

Actes Sud - 2018

Une jeune chercheuse en physique nucléaire est invitée aux Caraïbes dans le cadre d’un séminaire. Explorant les plages encore sauvages, elle rencontre Tony, l’homme coquillage, dont les cicatrices la fascinent immédiatement. Une histoire d’amour se dessine, émaillée de difficultés, dans l’ambiguïté d’une attirance pour un être inscrit dans la nature et la violence, un homme qui ne semble plaire à la jeune Turque que par contraste avec ses collègues, ces scientifiques falots ou d’un cynisme insupportable.
Déjà virtuose dans la description de l’inconnu, qu’il soit géographique, social ou humain, Aslı Erdoğan met en place dans ce premier livre la force étrange de son personnage féminin toujours penché au-dessus de l’abîme, flirtant avec la mort et la terreur, toisant la peur.

Roman traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes.