Le festival 2010 en poésie par Yvon Le Men

10 juin 2010.
 

Je me souviens
encore une fois des oreilles tendues
à l’écoute des poèmes de Xavier Grall

de Jacques Darras lisant l’Ode brisée à Georges Perros
en déroulant le tapis du poème
sur la route de l’école buissonnière

Il lisait dans tous les sens et dans les marges
et nous le suivions les yeux fermés

nous suivions son enthousiasme
qui parfois débordait sur son voisin

je me souviens de Thierry Renard qui nous épaulait

je me souviens
de Jean Pierre Verheggen qui fit la pige
à la langue française
et renversa les définitions jusqu’au degré zorro de l’écriture

et dans cette salle Sainte-Anne
nous avons ri, ri, ri… rimé

je me souviens de la voix de Mathilde en juillet
absente, si absente par le corps
qui croisa celle de Mélaine Favennec présente
si présente dans son corps
de Madeleine évoquée jusqu’au désir par Wilfried N’Sondé
de Rachel Guilloux et de Thierry Clermont dont les sons et les mots
s’enlaçaient

de Mohammed el Amraoui qui jongla d’une langue à l’autre
en passant par notre écoute
et de l’arabe au français, du français à l’arabe la beauté du monde se faufilait jusqu’à nous, semelles au vent

je me souviens de Sylvia Lacarrière dont la voix mesurait les pas du poème lors de son tour du monde en passant bien sûr par la Grèce de son Jacques bien-aimé

Je me souviens de l’éruption, vers à la main et sur le cœur, de Souleymane Diamanka, du collectif 129h
et d’une jeune femme à la voix ronde qui slamèrent jusqu’au rivage des premiers rangs de la bonne salle Sainte-Anne

Je me souviens d’Elias Sanbar
parlant de son ami Mahmoud Darwich
comme on en rêverait

à cheval sur les poèmes de l’enfant palestinien

Je me souviens de Bonel Auguste d’Haïti
croisant le vers avec James Noël et leur maître
à la voix douce, la parole forte
Georges Castera

ils n’avaient pas la langue dans leur poche
mais deux dans la bouche qui jonglaient en souriant

Je me souviens de la grosse voix de Dany Laferriere
qui nous enveloppait de ses mots

et entre prose et poème et près de la brune Kim Thuy et du blond Bjorn Larsson
nous avons parcouru les multiples chemins que suivent les phrases
avant de se jeter dans les livres

Je me souviens
de Bernard Noël qui sortit de sa poche quelques mots écrits de la main du poète vénézuélien Robert Ganzo
mots qu’il avait trouvés chez un bouquiniste, un sauveur de livres oubliés

mots qui mettaient la poésie à hauteur d’homme
mots par lesquels il honorait le poète dont le prix qui l’honorait porte le nom

je me souviens des paroles généreuses offertes par Alain Borer à Bernard Noël
qui passaient de la voyelle à la consonne sans reprendre leur souffle
et qui furent si justes, si justes

Je me souviens de Rodney Saint-Eloi, de Louis Philippe Dalembert, de Bonel Auguste, de James Noël, de Lyonel Trouillot, d’Emilie Prophète, et du nouvel éditeur Bruno Doucey
de ce bouquet de fleurs d’Haïti dont les parfums se mélangèrent à part égale

dans la salle Maupertuis où chacun écouta l’autre
où le temps fut partagé

le temps du poème…

Yvon Le Men