CARVALHO Bernardo

Brésil

8 avril 2014.
 

Le plus voyageur des écrivains brésiliens. De la Mongolie à la Tchechénie, c’est toujours le Brésil qui parle à travers lui, ses rythmes, ses images, sa fantaisie, son art des contradictions et des télescopages. Correspondant dans les années 1990 à Paris et New York pour le grand quotidien brésilien Folha de S. Paulo, Bernardo Carvalho s’est imposé comme figure majeure de la littérature brésilienne contemporaine, dès son premier recueil de nouvelles Aberration en 1993 qui connut un formidable succès. Y figurent déjà les leitmotiv qui composent sa future œuvre très prolifique : intrigues complexes, narrations imbriquées, genres littéraires et style morcelés, personnages multiples, époques entremêlées… formidable dédale dans lequel le lecteur lui-même doit devenir un personnage actif pour résoudre les énigmes et s’en sortir !

Les Initiales, roman paru en 2002, en offre sans doute le paroxysme puisqu’il nous confronte à l’obsession d’un secret dont le narrateur ne parvient à déchiffrer le sens. Néanmoins, un repère est souvent présent dans ses récits, le Brésil, véritable point d’ancrage. Dans Les Ivrognes et les somnambules, traduit en 1998, les personnages naviguent à la recherche d’un tableau entre les États-Unis et le « pays du carnaval ». Il en va de même pour Neuf nuits, roman qui revient sur le suicide de l’anthropologue nord-américain Buell Quain au cours d’une de ses expéditions chez les indiens Krahô, en Amazonie, au mois d’août 1939. Ce roman fait converger la fiction pure et le documentaire, imbrique des recherches historiques et ethnographiques avec des passages autobiographiques, mêle un style lyrique et poétique à une écriture journalistique factuelle. C’est surtout un roman passionnant, très sombre, plein d’angoisse et de mystères irrésolus, qui se présente comme une enquête sur la disparition d’un homme.
Si la construction de ces romans est toujours protéiforme, les sujets reflètent son goût du voyage : Asie centrale avec Mongolia, paru en 2004, où il nous décrit la placidité des steppes d’Asie centrale (prix Jabuti). Le soleil se couche à São Paulo, paru en 2008, alterne entre le Japon de la Seconde Guerre mondiale et le Brésil contemporain, où réside la plus forte communauté nippone du monde.

Son dernier roman, ‘Ta mère, souvent qualifié de "roman russe", nous entraîne de Saint-Pétersbourg à Grozny (Tchétchénie), de l’indépendantisme tchétchène aux trafiquants d’Amérique du Sud. Il suit le destin de trois familles mêlées à ce conflit du Caucase, mais surtout de trois femmes, de trois mères, prêtes à tout pour protéger leurs fils des ravages de la guerre. Chaque personnalité, chaque génération, chaque destin livre ses béances dans des micro-épisodes électriques, qui s’enchaînent avec ivresse. "Bernardo Carvalho a l’art d’animer des pantins, robotisés par l’Histoire et par la guerre, pour leur donner rage et conscience" (Télérama).


Bibliographie :

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

‘Ta mère

Anne-Marie Métailié - 2010

Trois jeunes gens et leurs mères, un conscrit en proie aux mauvais traitements de l’armée russe, un jeune Tchétchène à la recherche de sa mère, un voyou de bonne famille. La rencontre d’une âme sœur, une chimère.
Ce roman entrelace les histoires d’une poignée de femmes qui essaient de sauver leurs fils de la guerre, de la solitude et du crime. Tout se passe à Saint-Pétersbourg, ville littéraire par excellence, à la veille du tricentenaire de la ville et sur fond de guerre de Tchétchénie, mais l’action s’étend de la forêt amazonienne à la mer du Japon et met en scène des mères coupables, des pères absents et des fils égarés.
Bernardo Carvalho orchestre dans ce roman une multiplicité de points de vue et de voix sans jamais perdre l’axe et le motif récurrent de la maternité et de son revers, le sentiment d’être orphelin, sans protection, déplacé, dont la guerre est la représentation la plus crue. « Les mères ont plus à voir avec la guerre qu’elles ne l’imaginent. Au contraire de ce que tous pensent. Plus que les autres, les mères ont horreur de perdre (…). Tout le monde a une mère, même la pire canaille, le pire bourreau. Mais c’est tout de même une sorte de fanatisme », déclare l’un des personnages. Ce livre en est d’une certaine manière la démonstration poétique.
Tous les personnages du roman semblent n’être à leur place nulle part dans leur famille ou dans leur pays, ce qui donne toute sa force à la figure de la chimère, aberration rejetée par la nature et par l’homme, projetée dans des amours absolues.

Traduit du portugais (Brésil) par Geneviève Liebrich


Revue de presse