BLAS DE ROBLÈS Jean-Marie

France

17 avril 2024.

Parcourant sans relâche un monde dont la Méditerranée serait le centre, cet érudit atypique et plein d’humour explore dans son œuvre les particularismes culturels. Depuis son Médicis en 2008 pour le roman-fleuve Là où les tigres sont chez eux (Zulma, 2008), Jean-Marie Blas de Roblès a signé plusieurs romans et récits, sans oublier la revue Apulée qu’il dirige avec ses deux compères, Hubert Haddad et Yahia Belaskri, et dont le neuvième numéro paraît cette année. En 2022, il avait traduit le célèbre explorateur britannique Sir Richard Francis Burton, et sa version non-censurée des Mille et une nuits qui fit scandale dans la société victorienne. Cette année, il est également membre du jury du Prix Ouest-France.

 

Depuis Là où les tigres sont chez eux, un roman-somme qui reçoit le prix Médicis et le prix FNAC en 2008, l’auteur a fait ses preuves en littérature de voyage. Né à Sidi-Bel-Abbès, il connaît très tôt le goût du voyage lorsque sa famille s’installe en France, en Camargue d’abord, puis en Normandie, dans les Vosges, et enfin dans le Var, qu’il quitte pour se rendre à Paris où il étudie la philosophie à la Sorbonne et l’histoire au Collège de France. Ses études brillantes lui laissent malgré tout le temps de parcourir la Méditerranée en voilier.

En 1982, il part pour le Brésil et devient enseignant et directeur de la Maison de la Culture Française à l’Université de Fortaleza. C’est à cette époque qu’il publie son premier livre, un recueil de nouvelles errant aux frontières du fantastique et du mystique : La mémoire de riz, primé par l’Académie Française, et dans lequel transpire déjà l’érudition sublime de l’auteur et sa fascination devant le mystère du monde. À 27 ans, il est salué par le magazine Les Nouvelles Littéraires comme l’un des « grands gnostiques de notre littérature » alors que le Figaro voit en lui « un nouveau roi de la nuit » héritier d’André Pieyre de Mandiargues.

Muté en Chine Populaire à l’université de Tien-Tsin, il est le premier à donner des cours sur Sartre et Roland Barthes alors que la Révolution Culturelle s’achève à peine. Affecté ensuite à l’université Palerme, il en profite pour visiter le Tibet sur le chemin du retour vers l’Europe qu’il rejoint via le mythique Transsibérien. Sort la même année son premier roman, L’impudeur des choses, dans lequel il dessine à merveille la beauté monstrueuse du monde. C’est lors de sa dernière affectation, à Taïwan cette fois, auprès de l’Alliance française de Taïpeï, qu’il entame la rédaction d’un troisième roman dont il sait déjà que la gestation sera longue. Il abandonne alors l’enseignement et voyage toujours plus, se nourrit de la planète : Pérou, Yémen, Indonésie…

En 2008, après avoir passé une décennie à l’écrire, et presque autant de temps avant de trouver un éditeur qui accepte de le publier, Jean-Marie Blas de Roblès sort enfin Là où les tigres sont chez eux. Dès sa publication, ce roman est couronné par le Prix FNAC, le Prix Jean Giono et le Prix Medicis, faisant même partie de la liste du Prix Goncourt. Ce roman d’aventure sur le refus de la modernité mathématique est aussi un roman sur la quête des origines qui recrée le tourbillon de la course du monde, enchevêtre le bal des siècles, mêle les époques, les hommes, les lieux… Une ode à la folie créatrice.

Après un nouveau recueil de nouvelles publié en 2013 et uniquement disponible en numérique, L’Échiquier de Saint-Louis, il publie en 2014 un superbe roman d’aventure qui s’ouvre sur un jeune hacker implantant un virus à une maison d’édition numérique, L’Île du Point Némo. Ce livre allie avec panache le récit de voyage et la littérature.

Responsable de rédaction de la revue Aouras consacrée à la recherche archéologique dans l’Aurès antique, il a dirige également la collection Archéologies, dans laquelle il a publié plusieurs ouvrages de vulgarisation. Membre de la Mission Archéologique Française en Libye depuis 1986, il a participé chaque été aux fouilles sous-marines d’Apollonia de Cyrénaïque, de Leptis Magna et de Sabratha en Tripolitaine ; il dirige actuellement la collection Archéologies qu’il a créée chez Edisud et où il a publié plusieurs ouvrages de vulgarisation. Dans le même cadre d’activités, il est aussi responsable de rédaction de la revue Aouras, consacrée à la recherche archéologique sur l’Aurès antique.

En 2016, il fait partie du comité de rédaction de la revue Apulée avec Hubert Haddad et Yahia Belaskri, publiée chez Zulma. Cette revue littéraire met l’Afrique et la Méditerranée sur le devant de la scène. Le numéro inaugural, Galaxies Identitaires, tente d’en finir avec les enfermements idéologiques, les replis élitistes et les fanatismes aveugles. Il rappelle le rôle de la création et de la réflexion dans le discours sur les identités. Le troisième numéro, La guerre, le monde et la paix, paraît en 2018.

Spécialiste de la Libye, il publie en 2016 un récit qui part sur les traces de l’archéologue et explorateur Jean-Raimond Pacho qui parcourut le pays au XIXe siècle. Ce voyage dans la Lybie antique, riche de ses origines grecques et carthaginoises, met en lumière les récents événements qui ont secoué le pays et permet d’éclairer les conflits actuels.

Après Dans l’épaisseur de la chair, qui posait un regard à la fois profond et plein d’humour sur l’histoire de son père, l’auteur nous charme cette fois-ci avec la réédition de son second roman, publié en 1989. Le rituel des Dunes, léger et brillant, fantasque et fantastique, nous offre un aller simple pour Tientsin, mégapole glaciale du nord de la Chine. Petit à petit, on découvre son milieu d’expatriés, au milieu duquel rayonne l’éclatante Beverly, Shéhérazade aux mille vies rocambolesques, dont Roetgen, fraîchement débarqué du Brésil, s’amourache. Mais entre fiction et réalité, la mécanique s’enraye, Beverly s’enflamme, et montre sa face obscure… Jean-Marie Blas de Roblès livre avec maestria une fable rocambolesque dotée d’un univers riche et de personnages abracadabrants.

Salué par la critique comme un véritable « ovni littéraire » (Femina) à déchiffrer, Ce qu’ici-bas nous sommes (Zulma, 2021) suit Augustin Harbour, un explorateur en retraite dans une clinique chilienne, qui raconte son séjour dans une oasis perdue dans le désert lybien, « Zindan », quarante ans plus tôt. A partir de ses souvenirs, le narrateur détaille les mœurs et coutumes des habitants de ce lieu étrange, à travers annotations et dessins. Un récit où présent et passé, réalité et fantastique s’emmêlent, sur le ton toujours décalé de son auteur.


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Apulée n° 9 - Art et politique

Zulma - 2024

L’art n’a-t-il pas toujours été politique en soi, qu’il l’affiche ou s’en défende ? Telle est la ligne de front d’Apulée #9, qui s’engage depuis le premier numéro dans les brèches et par-delà toutes les frontières de ce début de XXIe siècle.

De l’architecture comme métaphore du pouvoir à la reconnaissance poli- tique des peuples sans État via leur culture et patrimoine artistiques (les Inuit, les Tsiganes, les Berbères et autres nomades du sens), du pillage ou de la destruction en temps de guerre et de colonisation (de l’Acropole d’Athènes à Palmyre, en passant par l’Afrique) à l’universalisme de l’altérité, ce nouvel opus d’Apulée assume toutes les fulgurations et parie sur la voix et les gestes éminemment engagés d’artistes, écrivains, poètes et intellectuels qui portent, encore et toujours, l’idée de liberté, par-delà les identités fracassées sous les chocs de l’Histoire…

Chaudron des allégories et des résistances, critique inventive des mœurs, lien social, pratiques et voix émancipatrices et subversives, utopie en actes : ce nouvel opus s’attache cette fois encore à l’Humain – sans œuvres ni parole confisquées, à l’opposé de la « société du spectacle » – contre la pulsion de mort commune à toutes les politiques du pire. Et comme Apulée l’a toujours défendu !