LAÂBI Abdellatif

Maroc

13 février 2014.
 

La poésie est tout ce qui reste à l’homme pour proclamer sa dignité, ne pas sombrer dans le nombre, pour que son souffle reste à jamais imprimé et attesté dans le cri.

Figure majeure du paysage littéraire marocain, Abdellatif Laâbi s’est démarqué depuis les années 1960 par une écriture humaniste et engagée. Son œuvre, dominée par une soif de liberté et de justice, touche tous les genres littéraires : poésie, roman, théâtre, essai, livres pour enfants… Ses écrits lui valent notamment de recevoir le Prix Goncourt de poésie en 2009, ainsi que le Grand Prix de la Francophonie de l’Académie Française en 2011. Dans son dernier ouvrage, Un autre Maroc (La Différence, 2013), il appelle ses concitoyens à continuer le combat pour faire valoir leurs droits.

Lorsque le Maroc devient indépendant en 1956, Abellatif Laâbi a quatorze ans. Marqué dans sa jeunesse par l’œuvre de Dostoïevski, il écrit à ce propos : "je découvrais, avec lui, que ma vie est un appel intérieur et un regard de compassion jeté sur le monde des hommes". Il devient plus tard professeur à l’université de Rabat, inscrit d’office dans la section de Langues Françaises.

En 1966, il fonde avec d’autres poètes marocains la revue Souffles, qu’il décrit dans le prologue du premier numéro comme "une tribune ouverte à toutes les recherches novatrices". Rapidement, Souffles va cristalliser autour d’elle l’activité littéraire et le combat de toute une époque. Durant 7 ans, ses auteurs vont condamner la politique répressive d’Hassan II et prôner une révolution culturelle. Leur engagement fort durant les années de plomb du Maroc va participer de façon considérable au renouveau culturel du pays.

Ses publications valent toutefois à Abdellatif Laâbi, comme à d’autres activistes, d’être emprisonné de 1972 à 1980. Cinq ans plus tard, il quitte le Maroc et s’installe en France avec son épouse Jocelyne Laâbi. Cet éloignement le rend étrangement plus proche de son pays natal, dont il perçoit de l’extérieur la place dans le monde. Il traduit notamment des ouvrages marocains en français.

Auteur francophone, il n’a pas fait, comme il le dit, le choix de la langue ; celle-ci lui fut imposée à l’école colonialiste. Il s’est par la suite approprié le français, déclarant notamment : "Qu’est-ce qu’un écrivain ? Où qu’il soit, quelle que soit son histoire, c’est quelqu’un qui s’empare d’une langue, et qui sculpte au sein de celle-ci sa propre langue, celle qui va traduire sa voix profonde et rendre compte des mouvements de son âme."

Sa production littéraire, très importante, est dominée par la poésie ; celle-ci, intimement liée à son histoire personnelle, semble habitée par un même besoin de résistance et de rébellion. Deux recueils, Œuvre poétique I (2006) et II (2010), publiés aux éditions de la Différence, condensent la plupart de ses écrits poétiques parus depuis 1965.

Loin de se limiter à ce seul mode d’expression, Laâbi s’est illustré dans divers genres littéraires (roman, essai, théâtre, livre de jeunesse). Il a également signé un récit autobiographique remarqué, Le Fond de la jarre (Gallimard, 2002), dans lequel il raconte - sous les traits d’un enfant nommé Namouss - son enfance à Fès.

Dans son dernier essai, il évoque Un autre Maroc (La Différence, 2013), celui de ceux qui se sont soulevés dans les récentes manifestations qui ont bousculé le pays. L’écrivain veut "rompre le silence", éveiller les consciences et faire valoir les libertés individuelles, dans une société qu’il présente étouffée par un pouvoir archaïque. Entre les "rendez-vous manqués" d’un demi-siècle d’histoire marocaine et les espoirs rallumés par une jeunesse révoltée, il appelle le Maroc à affirmer son identité et revendiquer ses droits.


Bibliographie :

Poésie

Romans

Essais

Autobiographie

Théâtre

Livres de jeunesse

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

Un autre Maroc

La Différence - 2013

Abdellatif Laâbi ne cesse de réclamer la démocratie dans son pays, le Maroc. Après le régime autoritaire de Hassan II durant lequel il a passé de longues années en prison, un immense espoir est né avec l’accession au trône de Mohammed VI. Mais Laâbi comme le peuple tout entier ont rapidement déchanté. Le nouveau roi et une oligarchie obéissante se sont emparés du pouvoir, réduisant les organes d’un fonctionnement démocratique (parlement, partis politiques, syndicats) à des coquilles vides. Certes, la presse paraît plus libre qu’auparavant mais c’est à sa médiocre audience qu’elle doit la relative clémence dont elle jouit. Les institutions sont faibles, les intellectuels méprisés et le roi régit son pays comme s’il s’agissait d’une propriété privée. Quelle influence les « révolutions arabes » en Tunisie, en Égypte vont-elles avoir sur cet état de fait ? Abdellatif met ses espoirs dans une nouvelle constitution et dans une prise de conscience des générations montantes. Cette adresse au peuple marocain se veut confiante. Puisse-t-il avoir raison !


Revue de presse