POLET Grégoire

Belgique

4 avril 2024.

Diplômé en Lettres et doté d’un regard sociologique d’une grande acuité, cet écrivain bruxellois, également réalisateur de documentaires pour Arte, crée des intrigues qui s’entremêlent comme autant de facettes d’une même réalité. Ses romans s’inscrivent dans un vaste projet, celui "où tous les textes s’emboîtent les uns dans les autres avec une cohérence des personnages, d’espace et de temps". Ainsi, il se plaît à faire réapparaître des personnalités d’un roman à l’autre, à la manière de Balzac qu’il prend pour modèle. Avec Pax (Gallimard, 2024), il signe une formidable épopée littéraire où tout est intimement tressé entre les époques et les personnages, convoquant entre autres figures, Wilson, Mozart, Proust et Goya.

 

Dire l’intimité d’une ville et rendre compte des liens personnels que l’on peut entretenir avec des lieux aussi mythiques que Madrid, Paris ou Barcelone sont la matière des romans choraux de Grégoire Polet. Après Madrid ne dort jamais en 2005, c’est la ville de Paris qui est donnée à voir avec Leurs vies éclatantes, en 2007, roman qui lui valu le prix Fénéon, également retenu pour le prix Goncourt. Il signe, la même année le célèbre manifeste Pour une littérature-monde dirigé par Michel Le Bris.

« Le monde, un lieu de vie collective et simultanée, cela signifie simplement qu’il n’y a plus un centre, que tous les points sont le centre du monde. » (Pour une littérature-monde)

Ce jeune écrivain belge célèbre avec ferveur, dans une écriture fine et précise, la frénésie des grandes villes où se déploient des destins qui s’entremêlent. Dans Barcelona ! en 2015, l’auteur décrit avec justesse l’architecture et l’atmosphère de Barcelone, sa ville de cœur, durant la crise économique qui estompe petit à petit les couleurs et l’énergie de la métropole.

Dans un genre plus intimiste, il raconte l’histoire d’un artiste raté, devenu peintre faussaire dans Excusez les fautes du copiste, lauréat du Prix Victor Rossel des jeunes en 2006 et du Prix Spécial Écrivain de la Fondation Jean-Luc Lagardère ; puis celle d’un enfant des rues et de la pauvreté, à Barcelone, dans Chucho. Dans son cinquième roman Les ballons d’hélium, il quitte l’espace géographique pour se plonger dans l’espace mental, réduit aux pensées et au sentiments d’une quadragénaire qui vit difficilement une rupture vieille de dix ans. En conjuguant légèreté et densité, l’auteur slalome entre l’intime et l’absolu.

Avec Tous, il nous surprend avec un roman choral qui dépeint une réalité qui aurait presque pu être la nôtre. En nous proposant une alternative, celle des décisions que nous n’avons pas (encore) prises, il fait vivre et grandir un mouvement européen de démocratie directe sans en masquer les ambiguïtés et nous en livre une analyse tout en finesse.


Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Pax

Gallimard - 2024

"Ça commence avec un bateau, le paquebot George Washington, qui emmène le président Wilson en Europe, et ça finira avec le même bateau ramenant le président Wilson aux États-Unis. Entre les deux, je noue des boucles de temps avec passages réguliers au point de Paris 1919, dans l’espoir par-ci par-là de faire apparaître des dieux le long du chemin." Dans ce voyage littéraire, Grégoire Polet traite la matière historique comme du souvenir personnel, vivant, où tout est intimement lié, tressé, aussi éloignés que les événements ou les personnages puissent paraître. L’écriture circule dans le temps comme le sang dans un corps, descendant dans le dix-huitième siècle, remontant vers aujourd’hui, retournant à 1919... Ainsi chemine-t-on en compagnie de Wilson, qui vient en Europe pour la paix de 1919, mais aussi de Da Ponte, le librettiste de Mozart, qui fait la traversée inverse un siècle plus tôt et s’installe à New York, ou de Goya, de Victor Hugo, de Marcel Proust, qui reçoit le Goncourt justement en 1919 et à qui le narrateur rend une visite importante pour sa compréhension du temps. Ce roman d’une grande virtuosité déborde d’un plaisir d’écriture communicatif. On en sort secoué, avec le sentiment d’avoir vécu une véritable aventure littéraire.