- ©Safaa Photographer
Appréhender la réalité du traumatisme de la guerre à travers la fiction, telle est l’ambition d’Ahmed Saadawi et de ce courant d’avant-garde irakien dont il est le précurseur.
Salué par la critique et lauréat du prix international du roman arabe en 2014, cet auteur à la fois poète, romancier et documentariste, est né en 1973 et a grandit dans un quartier populaire de Bagdad. D’abord attiré par la peinture, et très intéressé par le dessin animé, il rêve d’animation et de superproductions américaines. Mais son désir d’écriture le rattrape et la simplicité matérielle de ce processus de création finit par faire pencher la balance. Comme il le rappelle aux intellectuels et auteurs contemporains de Bagdad à qui il a, non seulement montré la voie mais aussi redonné confiance : « Nous n’avons besoin que d’un bureau et d’un paquet de cigarettes ».
Après ses études, il se tourne donc principalement vers l’écriture, mais poursuit ses travaux dans d’autres domaines en parallèle. Il est l’auteur d’un recueil de poésie et de trois romans, non traduits en français. Aujourd’hui marié et père de quatre enfants, il a choisi de rester à Bagdad. Partagé entre son envie de vivre et d’échapper à ce quotidien dangereux et son besoin d’être proche des gens et du quotidien auquel il fait référence, ce choix est pour lui d’un véritable conflit intérieur.
Dans son dernier roman, Ahmed Saadawi détourne le mythe de Frankenstein pour donner une voix à un drame contemporain devenu statistique. Frankenstein à Bagdad est un roman surréaliste d’un genre nouveau qui à travers la fiction et la fantasy, donne corps à une réalité. En personnifiant les paradoxes d’un conflit, Ahmed Saadawi souligne la folie et l’ambiguïté morale de la guerre et de ses conséquences et constitue selon le New Yorker : « Un contrepoint inestimable aux reportages des médias et aux théories politico-culturelles ». Quand le journalisme peine à transmettre la réalité émotionelle des évènements qu’il relate, la fiction s’impose comme une nécessité absolue.
Bibliographie :
- Frankenstein à Bagdad (Piranha, 2016)