STRAUMANN Patrick

Suisse

25 avril 2022.

Après des études d’histoire et de théorie du cinéma, cet auteur suisse collabore aujourd’hui au principal quotidien helvétique, le Neue Zürcher Zeitung et aux revues françaises de cinéma comme Vertigo et Trafic, sur des sujets ayant trait à l’esthétique et l’iconographie en particulier. En 1992, il effectue un premier voyage au Brésil ; un coup de foudre, il ne cesse d’y retourner et entretient désormais un échange nourri avec la culture brésilienne qu’il concrétise par la publication d’articles et de livres dont une monographie sur l’Aleijadinho. Dans son dernier opus Oyapock, le journaliste en voyage entre la Guyane et le Brésil suit les explorations du géographe Henri Coudreau et sa femme, Octavie. Leur mission : cartographier les tréfonds de l’Amazonie. C’est avec une écriture riche et poétique que l’écrivain nous entraîne sur les pas de ce couple d’explorateurs français de la fin du XIXe siècle.

 

Dans La meilleure part. Voyage au Brésil, sorte de guide amoureux, il nous conte, loin des clichés et de l’exotisme, son exploration personnelle et son admiration pour ce pays-continent, à travers anecdotes, histoires et descriptions. Un témoignage intime sur la terre des excès et des paradoxes, sur un pays à la fois rude et beau, tendre et violent, « un pays qui s’est construit comme une île au milieu d’un continent hispanophone, s’inventant une culture propre, résultât d’une globalisation avant la lettre. »

Notons sa participation à une nouvelle édition de Rio de Janeiro, la ville métisse peinte par Jean-Baptiste Debret, membre de la mission artistique française arrivée au Brésil en 1816. Superbe témoignage sur la naissance d’une ville qui se peuple de « barbiers ambulants, vendeurs de paniers, de maïs et de poules ; Africains affamés à la merci des trafiquants, esclaves de location rêvant d’affranchis­se­­ment, Noirs libres orga­nisés en confréries… » Le Rio de Janeiro du début du XIXe siècle est le parangon de la société esclavagiste. Près d’un tiers de ses habitants est né en Afrique, mais grand nombre d’Européens est venu avec la cour portugaise, fuyant les invasions napoléoniennes. Les soixante-dix lithographies et commentaires tirés de son Voyage pittoresque et historique au Brésil sont ici éclairés par les regards croisés des historiens Serge Gruzinski et Luiz Felipe de Alencastro et du romancier guinéen Tierno Monénembo. Première illustration de la société urbaine du Brésil indépendant, le Voyage pittoresque peut aussi être vu comme la véritable naissance de l’image d’une nation.

En 2013, il se penche sur une autre culture lusophone – celle du Portugal – et contribue à l’édition d’Aniki-Bóbó, enfants dans la ville, ouvrage consacré à la première œuvre de fiction du réaliste Manoel de Oliveira.


Bibliographie :

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Oyapock

Chandeigne - 2021

Henri Coudreau (1859-1899), né comme Pierre Loti, Samuel de Champlain et René Caillié dans les landes charentaises, rêve dans sa jeunesse d’expéditions au centre de l’Afrique, mais finit par s’installer à Cayenne et parcourir les forêts de la côte caraïbe.
D’abord seul, plus tard en compagnie de sa femme Octavie, il cartographie l’intérieur de la Guyane, explore les savanes de la zone frontalière entre la France et le Brésil, avant de tourner le dos aux ministères parisiens et de se mettre au service du gouvernement de Rio. Fin 1899, lorsqu’il meurt en pleine expédition, Octavie l’enterre sur les rives du Rio Trombetas et poursuit seule la mission en cours. Quatre ans, cinq expéditions et cinq livres plus tard, elle retournera sur le lieu de sa sépulture afin d’exhumer ses restes et de les rapatrier à Angoulême.
En cette seconde moitié du xixe siècle, les zones hachurées des cartes fondent à vue d’œil, les frontières restent à définir et le projet colonial français se dissout dans la chaleur équatoriale, mais l’attrait des tropiques reste puissant et la démesure de l’Amazonie ravive toutes les utopies. Aventuriers, anarchistes et chercheurs d’or peuplent une contrée façonnée par les guerres et les soulèvements des esclaves en fuite. À une époque où le caoutchouc déclenche toutes les convoitises, les Coudreau s’affranchissent progressivement de leurs missions pour se retirer dans un exil intérieur.
Un livre sur une fuite loin du bruit du temps, sur la liberté qu’offrent les fleuves et les mérites de la désertion.