Documenter le monde

18 juin 2013.

Édito par Christian Rolland

 

Tout était déjà dans le poème de Baudelaire. Le titre, Étonnants Voyageurs, les "nobles histoires" et cette annonce du cinéma à naître : "Faites (...) passer sur nos esprits, tendus comme une toile, vos souvenirs avec leurs cadres d’horizon". Baudelaire avait créé l’écran, restait à l’animer.
1990 : quatre films, 1996 : cinquante productions, des inédits. Les critères de sélection ? Le plaisir du récit. Et, comme pour les livres, le souci d’images qui documenteront le monde. S’il fallait jouer avec le principe de Georges Perec, voici quelques morceaux choisis.
Je me souviens, pu public réclamant une deuxième projection du portrait de Nicolas Bouvier, par Patrice Plattner, et du Fleuve gelé d’Olivier Follmi. Je me souviens des mille personnes acclamant Thor Heyerdal et son Kon-Tiki. De l’ovation faite à Tim Severin pour Le voyage de Brendan. De lycéens chahuteurs très vite envoûtés par le film de Frédéric Fougea, Il danse avec ses cormorans. De La mémoire des Terres de Michel Viotte, dans laquelle le public reçut l’écho intime de la sienne. Et puis, je me souviens, d’avoir arraché de "l’ennui des prisons", celles d’un laboratoire et de la censure serbe, le long métrage inédit d’Aleksandar Petrovic, Migrations. Une salle enflammée promettait de se battre pour que le film vive. Quelques mois plus tard, Aleksandar mourrait. Puisse-t-il au-delà de son "cadre d’horizon" avoir de nouveau rencontré des tziganes heureux.
Etonnants Voyageurs, festival du livre et du documentaire. Parce que les films n’ont bien souvent qu’une vie. Sur petit écran. Ici, les réalisateurs rencontrent des auteurs. Rêvent ensemble une histoire. Qu’un public curieux, exigeant, verra "passer sur son esprit tendu comme une toile" l’année d’après. Cinéastes, dites, qu’avez-vous vu ?