Texte de Jean-François Deniau

21 juin 2006.
 

Est-ce qu’il existe des voyages qui ne soient pas étonnants et des voyageurs qui ne soient pas étonnés ? Je connais un peu mieux la mer que la terre. Rien n’est plus changeant que 360° d’horizon. Rien de plus surprenant que les courants, les vagues, le vent, la lumière, la nuit qui vient, le jour qui tarde à venir. Rien n’est plus terrifiant que le très gros temps où le monstre des profondeurs en hurlant vous prend dans sa gueule et serre. Cela m’a toujours frappé qu’une grande oeuvre, et le signe même d’une grande œuvre, qu’elle soit musicale, artistique, littéraire, est que plus on l’écoute, plus on la regarde, plus on la lit, plus on s’étonne. Plus on y découvre sonorités, desseins et écritures nouvelles.

Ainsi pour le voyage sur terre, sur mer et sous les cieux. La surprise vient avec la connaissance. De l’Afghanistan à l’Atlantique, de l’Indochine au Cap Horn, il peut courir longtemps celui qui court après lui-même.

Le Festival de Saint-Malo a donné sa place à la littérature du lointain et de l’aventure. Les chasseurs d’horizons nouveaux et les coureurs d’Ultima Thulé, les découvreurs de Cipango et de Taprobane, les rêveurs d’Eldorado ne sont pas des fous. Ils ont un père, Platon, qui fait dire à Socrate que la qualité du vrai philosophe est la capacité d’étonnement. Non, pas des fous. Des sages étonnés. Vive l’aventure.

Jean-François Deniau
de l’Académie française