Alors qu’il exerce encore son premier métier de dentiste au centre du Caire, en janvier 2011, le Printemps Arabe tire Alaa El Aswany de son cabinet. Héraut de la démocratie, il s’illustre lors de la révolution égyptienne, aussi bien dans les médias qu’aux côtés des Égyptiens sur les estrades de la place Tahir. "Hier, j’ai parlé devant 5 000 personnes, la télé a dit qu’il y en avait 100. On ne peut plus faire ça aujourd’hui. La dictature la plus fermée au monde serait moins bête", confie-t il aux envoyés spéciaux de Télérama le mercredi 1er février 2011. Les médias égyptiens lui accordent une place de choix dans les mois qui suivent : le 2 mars 2011, il affronte le premier ministre par intérim nommé par Moubarak, Ahmed Chafik, lors d’un débat télévisé. Ce dernier donnera sa démission du gouvernement le lendemain. Très marqué par Gabriel García Márquez et son Automne du Patriarche, il prédit en janvier 2011 aux médias étrangers que Moubarak suivra la même trajectoire que le héros du roman, passant du déni de la contestation à la fuite précipitée en avion.
Avec Chroniques de la Révolution égyptienne, Alaa El Aswany revient sur les mois de révolte et le vent de liberté qui a soufflé sur l’Égypte en 2011. Au travers d’une série de textes publiés dans des journaux égyptiens, ce recueil offre au lecteur français un recul appréciable sur les événements, analysant en profondeur les impasses de la société égyptienne et les rouages de la dictature, invitant notamment à regarder la condition des femmes comme un symptôme des blocages de la société égyptienne. Le livre se ferme enfin sur l’évocation d’une dernière menace anti-démocratique.
L’auteur revient à la forme romanesque en 2014 avec Automobile Club d’Égypte, replonge dans son pays, à la fin des années 40. Selon lui, replonger dans le passé est une façon détournée de s’exprimer sur le présent : "toutes les questions humaines qui ont conduit à la révolution actuelle sont déjà dans le roman", déclare-t-il. Le club dont il est question ici est un microcosme de la société égyptienne avant la venue au pouvoir de Nasser ; une élite, liée à la monarchie, se vautre dans le luxe tandis que le peuple est asservi. Une façon pour l’auteur de dresser un parallèle entre la révolution de 1952 et le soulèvement du printemps arabe.
Paru en 2014, Extrémisme religieux et dictature. Les deux faces d’un malheur historique réunit une série d’articles qu’il écrit et publie en Égypte. Il explique que la mauvaise interprétation de la religion qui pousse vers le fascisme religieux est très proche de la montée de la dictature : ce sont les deux aspects d’une même idée. Il revient sur le thème de la religion : comment elle est pratiquée, comment l’interprétation plus ouverte de la fin du XIXème siècle a été détournée par des forces politiques, économiques, par le wahhabisme qui, financé et soutenu par l’argent du pétrole depuis les années 70, est très présent dans la pratique de l’Islam en Egypte. Plusieurs de ses chroniques parlent entre autres de la situation des femmes, du rapport aux corps, du rapport aux étrangers, ainsi que du rapport aux autres religions, restant très critique vis-à-vis de la politique en Égypte.
En 2018, il persiste dans sa bataille et signe J’ai couru vers le Nil, mise en scène de la tragédie de la contre-révolution. Véritable fresque de la société égyptienne à l’aube du printemps arabe, ce roman met en scène des personnages, mais également un pays, en proie à la rupture. Cette révolution, Alaa El Aswany la fait brillamment sienne avec ce récit puissant, au milieu des cendres laissées par les espoirs déçus de la place Tahrir.
Par ailleurs, son engagement lui vaut d’être poursuivi par le parquet général militaire égyptien pour insultes contre le pouvoir.
Bibliographie
- J’ai couru vers le Nil (Acte Sud, 2018)
- Extrémisme religieux et dictature. Les deux faces d’un malheur historique (Actes Sud, 2014)
- Automobile Club d’Egypte (Actes Sud, 2014)
- Chroniques de la Révolution égyptienne (Actes Sud, 2011)
- J’aurais voulu être Égyptien ( Actes Sud, 2009)
- Chicago (Actes Sud, 2008)
- L’immeuble Yacoubian (Actes-Sud, 2006)