Coups de cœur Télérama : Björn Larsson

Suède
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Sacré forban ! Voilà que, sans crier gare, le suédois Björn Larsson change de cap, déserte l’Océan et ses légendes au long cours, pour s’enfermer dans les tunnels du métro parisien ! Le cercle celtique, son premier roman, un thriller ensorcelant, tout de brume et de mystère, cultivait jusqu’au vertige son goût de la bourlingue et du récit d’aventures. Professeur de français à l’université de Lund, passionné de linguistique autant que de plongée sous-marine, lui-même n’a-t-il pas passé six ans de sa vie sur un voilier ? Long John Silver surprenait par son culot et sa maîtrise, Larsson n’hésitant pas à s’emparer de la figure mythique du pirate à la jambe de bois imaginé par Stevenson. Le Capitaine et les rêves, prix Médicis 1999, distillait enfin la magie de ces histoires légendaires perpétuées par des générations de marins à l’escale.
Et voilà que Le Mauvais Œil, qui vient de paraître, s’enterre dans les profondeurs du chantier Eole où s’affronte "barbus" fanatiques et crânes rasés de l’extrême droite ! Au grand large se substitue une sorte de trou à rats en forme de piège mortel. L’enfermement de l’intolérance et de la haine de l’autre remplace le souffle de l’aventure et du mythe… A bien lire ce dernier roman, il se pourrait toutefois que le changement de cap ne soit qu’apparent. « Ses maîtres l’avaient mis en garde », écrit Larsson à propos de Rachid, le jeune fondamentaliste islamiste qui projette de faire sauter le chantier,« rien ne devrait venir s’intercaler entre Dieu et la réalité, ni l’imagination, ni les rêvesn ni les images, ni les contes ». N’est-ce pas là précisément le sujet de tous les livres de Björn Larsson : un hymne à l’imagination sans laquelle il ne peut y avoir ni liberté ni vérité individuelles ?
Michel Abescat


Le Mauvais Œil, traduit du suédois par Philippe Bouquet (Editions Grasset, 2001)