Retour sur un miracle malouin… par Patrice Blanc-Francard

Samedi matin 10h30. Le grand auditorium est plein. Le train du livre qui est parti de Paris tôt ce matin n’est pas encore arrivé. Manon Loizeau s’inquiète : « Mes amis ne pourront pas le voir ! » C’est vrai, mais ils pourront le découvrir trois jours plus tard sur Arte.
C’est donc le nouveau film de Manon Chroniques d’un Iran interdit qui ouvre l’édition 2011 d’ Étonnants Voyageurs, et que je vais découvrir moi-même. Terminé trois jours avant le festival. Un coup de fil d’Alain Mingam au tout dernier moment : « Un chef d’œuvre, il faut le passer… » Oui, mais les délais, la presse, l’annonce… Un cauchemar de programmateur, mais un moment de grâce. Deux ans de travail sans jamais avoir pu franchir les frontières, interdite de séjour au pays des ayatollahs. Manon triomphe dans la salle pour un film qui va me hanter jusqu’à cette minute même, par sa beauté, son intransigeance mais aussi par la part qu’il donne à tous et surtout à toutes ces anonymes qui ont aidé à faire ce film.
Par tous les moyens possibles, You Tube, Facebook, mais aussi les clés USB cachées dans les chaussettes, les femmes iraniennes ont fourni pendant deux ans les images tournées en cachette qui ont permis à son auteure de réaliser un réquisitoire miraculeux d’humanité.

Dimanche, la pluie gifle le sillon, mais le Cinéma Le Vauban va faire salle comble toute la journée et pour toutes les projections : plus de 5 000 spectateurs ! Eugène, qui est un peu l’histoire incarnée du Vauban n’en croit pas ses yeux… En salle 4, regards croisés entre deux jeunes réalisatrices sénégalaises. Katy Lena N’Dyaye et Rama Thiaw. Une rencontre que j’avais ardemment désirée depuis que j’avais vu En attendant les Hommes de la première nommée et Boul Fallé de Ram Thiaw. Passionnant…

Le soir, retour à l’Auditorium, avec la soirée Orange Cinéma Séries et la découverte de la nouvelle série de David Simon et Eric Overmyer, Treme. David Simon a été flic à Baltimore avant de se mettre à écrire. Sa première série pour HBO, The Corner est restée un succès d’estime il y a dix ans. Depuis, la vague de fond des séries US a déferlé par ici et c’est tout naturellement que The Wire est citée comme l’une des plus grandes séries de ces dernières années. Treme (prononcez Trai-mez) est la chronique de New-Orleans post-Katrina vue à travers une dizaines de personnages – et donc d’histoires, parallèles et croisées. La musique (le Jazz, le Dixieland, les fanfares, le RnB - façon Fats Domino et Allen Toussaint - pas Rihanna) en est le sublime écrin.
Sans vous faire rentrer dans les méandres de ma vie nocturne, je suis en mesure de vous confier que Treme en a profondément modifié les contours. Orange, ce que vous faites n’est pas bien. Créer une addiction profonde chez d’innocents programmateurs d’images animées pourrait bien rapidement devenir délictueux… Surtout si la saison 2 ne sort pas rapidement en DVD !

Patrice Blanc-Francard

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