Corentin à la découverte du tueur de M. Mouron

écrit par Ludivine Tuel, élève de 6ème au collège Léon Jozeau-Marigné à Isigny Le Buat (académie de Caen)

Corentin s’étonne de n’être pas plus impressionné. Remarquez, il ne s’est jamais évanoui de sa vie. Mais il n’a jamais rencontré de cadavre non plus. Monsieur Mouron est étendu dans toute sa rondeur.
Il porte son costume trois pièces et son éternel noeud papillon. Ce gros dandy cachait ses bourrelets sous des vêtements impeccables.
Par terre, tas flasque comme une flaque de boue, il a l’air paisible.
Son rictus s’est transformé en sourire d’ange grassouillet. Chacune de ses cuisses est un tronc d’arbre. Cette masse est couverte d’un sang qui coule encore. Une aiguille de métronome en plein coeur, quelle fin horrible pour un prof de solfège.
Corentin n’est pas attendri par cet ancien ennemi qui ne respire plus, mais s’il l’a maintes fois maudit, il n’a jamais souhaité sa mort. M. Mouron abusait de son pouvoir et se servait du solfège comme d’un instrument de torture. Mais qui en voulait à ce point au prof sadique ? Combien de fois a-t-il poussé Célia la violoncelliste aux larmes ? Et la petite Natacha,n’a-t-elle pas juré que si elle le rencontrait une nuit de pleine lune, elle lui enfoncerait sa flûte dans la gorge ? Et Guillaume, si sublime au piano, garçon massif et fort qui s’est écroulé après avoir raté l’examen de fin d’année en hurlant : "Qu’il crève !" Mouron était aussi détesté par ses collègues du conservatoire. Mais nul ne le haïssait autant que la belle directrice, Madame Van den Blois, qui n’attendait que la retraite de ce croque-notes.
L’a-t-elle hâtée ? Et si oui pourquoi ?
Personne ne connaît le moindre détail de sa vie, mais avec l’arrivée de la police, on ne va pas tarder à être servi.

C’est Madame Van den Blois, la directrice, qui accueille les deux policiers, Messieurs Glumuche et Mirouf. Tout en les emmenant vers la classe où se trouve le cadavre de Monsieur Mouron, elle leur explique que c’est Corentin, un élève, qui a découvert le corps.
A leur arrivée dans la salle, le médecin, qui vient d’examiner le tas flasque, déclare :

« Il est bel et bien mort... »

« Heureusement qu’il est là », pense Glumuche, on n’aurait jamais deviné tout seuls !

« Mais, je suis incapable d’en préciser les circonstances exactes », ajoute le médecin, qui décidément est d’un grand secours pour l’enquête !
La police scientifique est donc appelée afin de prendre des photos, d’examiner les empreintes et de chercher des indices.

Pendant ce temps, les enquêteurs interrogent le petit Corentin qui attend patiemment à l’infirmerie.
Il leur explique que Guillaume, son meilleur ami, est le dernier à avoir vu Mr Mouron vivant : ce dernier l’avait fait appelé juste avant sa mort. Corentin ajoute qu’il avait retrouvé le vieux professeur ainsi allongé sur le sol, et qu’il avait aussitôt couru chercher du secours au bureau de la directrice. A ce moment là, il avait seulement aperçu Natacha et Célia en train de discuter dans la classe voisine.

L’interrogatoire de Corentin terminé, ce dernier s’apprête à rentrer chez lui, lorsqu’il croise Madame Van den Blois dans le couloir.
Il l’entend marmonner :
« De toute façon, il l’avait bien cherché ! »

Il décide alors d’avertir les policiers. Le commissaire est déjà parti. Corentin court pour le retrouver, mais très maladroit, tombe juste avant de sortir. Son pantalon se baisse.
Tous les autres élèves se moquent de lui car son caleçon est rempli de petits cœurs roses.
Vexé, Corentin sort du Conservatoire et voit de petits groupes d’élèves qui s’étaient installés sur les marches des escaliers.
Ces élèves parlent de Corentin et de son caleçon, mais se demandent aussi :
« Qui a tué Monsieur Mouron ? »

Le lendemain, lorsqu’il revient au Conservatoire, celui-ci est toujours en effervescence. Les enquêteurs continuent d’ interroger les élèves, les professeurs et le personnel de service. Corentin, de son côté, n’arrête pas de se poser des questions :
« Qui pouvait donc en vouloir à Mr Mouron au point de le tuer ? Pour quelle raison a-t-il convoqué Guillaume dans sa classe, alors qu’il était censé être en répétition de piano avec Mme Binoclard ? »

Alors que Corentin passe devant le bureau de la Directrice, il reconnaît justement la voix de Guillaume et se retourne immédiatement.

Celui-ci est en larmes, entouré de Mme Van den Blois, de deux policiers, ainsi que de son père.

Corentin aimerait savoir ce qui se passe, mais malheureusement, il doit se mettre à courir, car il va être en retard à son cours de piano.
Durant toute l’heure, ses idées sont ailleurs. Il accumule les fausses notes, se fait hurler dessus, car il n’arrête pas de fixer la porte, dans l’espoir de voir Guillaume arriver.
Mais celui-ci ne reviendra pas...

A 17h00, on entend un étrange message du haut-parleur :
« Élèves et Professeurs sont tous demandés dans la salle de réunion d’urgence. Merci. »
C’est alors la cohue dans les couloirs ; chacun s’interroge !
La directrice est déjà montée sur l’estrade.
Habituellement tirée à 4 épingles, elle est blanche comme un linge et le chignon un peu défait.
Tout le monde s’empresse de s’asseoir et attend impatiemment l’annonce qui va être faite.

Après avoir pris une profonde inspiration, Madame Van den Blois commence :
« Je voulais vous dire que c’est Guillaume qui a tué Mr Mouron, par accident. Il a voulu lui faire une plaisanterie en jetant une peau de banane près de son bureau. Mais pas une minute, il n’aurait pensé que Mr Mouron allait démonter son métronome et tomber avec l’aiguille en main. Il a alors rapidement jeté la peau de banane dans la poubelle pour ne pas être suspecté. Mais la police scientifique en a trouvé une trace, ainsi que des empreintes de semelles : ils ont comparé, ce sont celles des baskets de Guillaume. Avec son papa, il se trouve actuellement au commissariat. »

Les élèves se lèvent alors, stupéfaits mais un peu rassurés de ne pas avoir de vrai tueur dans l’école.
A la fin de son discours, la directrice donne une lettre à Corentin.
Celui-ci la lit.

“Corentin, je suis vraiment désolé d’avoir fait peur aux élèves du conservatoire. Mais en particulier à toi.

Excuse moi...

Guillaume”