Carte Blanche à Stéphane Breton

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« Il n’est pas nécessaire que tu sortes de ta maison. Reste à table et écoute. N’écoute même pas, attends seulement. N’attends même pas, sois absolument silencieux et seul. Le monde viendra s’offrir à toi pour que tu le démasques, il ne peut faire autrement, extasié, il se tordra devant toi. »Franz Kafka

Méditations sur le pêché, la souffrance, l’espoir et le vrai chemin.

« Filmer l’intimité du monde, cela ne signifie pas forcément qu’on doive s’approcher autant qu’on peut. Le grand photographe Robert Capa disait que si une photo était ratée, c’est qu’elle n’avait pas été prise d’assez près. Mais ce n’est pas toujours vrai. S’approcher signifie parfois être impudique et dans ce cas tout est raté. D’ailleurs, le spectateur ne manquera pas d’éprouver de la gêne devant toute familiarité abusive. Il faut être voyageur et non pas voyeur, il faut faire route vers les autres et non pas regarder ce qu’on n’a pas le droit de voir. Mais rassurons-nous, entre l’indifférence et l’indiscrétion, il existe une distance juste : assez près pour s’exposer soi-même, assez loin pour ne pas être intrusif. L’intimité n’est possible qu’à condition d’être partagée par celui qui filme et celui qui est filmé. Oui, l’intimité est un partage. Entrer dans la chambre des joies et des malheurs exige du filmeur qu’il fasse partie de ce qu’il filme, qu’il accepte d’être jugé et regardé, qu’il mette son cœur à nu, qu’il se donne lui aussi. C’est ainsi que le chemin de l’homme à la caméra peut imprégner le film d’une impression unique – celle de sa présence, invisible et envoûtante. »
Stéphane Breton

Robert GARDNER : Forest of Bliss (1985/90’)

La ville de Bénarès, au bord du Gange, est le cimetière de l’Inde. Les morts y sont amenés, brûlés, donnés au fleuve. On a le sentiment mystérieux que le film est vu par les lieux, que son point de vue immanent est celui du cosmos et du cycle de la vie. On a l’impression que celui qui regarde est le monde lui-même.
Lun. 14h30, Vauban

Alexander SOKOUROV : Une vie humble (1997/75’)

Une femme recluse dans la maison de papier où elle coud des kimonos de deuil est accompagnée silencieusement par un visiteur dont on entend la respiration, dont on perçoit la pensée, dont on vit la présence. Une vie humble est vue par une autre vie humble.
Lun. 16h15, Vauban 1

Sergueï LOZNITSA : Portrait (2002/28’)

De vieux paysans russes se tiennent droits et dignes devant une caméra mélancolique qui fait leur portrait. En les voyant fredonner les chansons de leur enfance, on se demande si c’est eux que l’on regarde, ou ce qu’ils furent.
Dim. 18h30, Grande Passerelle 3

Viktor KOSSAKOVSKY : Tishe ! (2003/82’)

Filmés par celui qui regarde à sa fenêtre, les travaux de la rue ne cessent de se mordre la queue. Est-ce que les trous ne seraient pas creusés pour en boucher d’autres ? C’est la présence du filmeur qui donne à ce manège absurde un air de comédie douce-amère. Dim. 10h, Vauban 3

Sergueï DVORTSEVOY : Bonheur (1995/23’)

Être là ! devant les choses ! devant les gens ! devant l’enfant qui s’endort ! Être là, car le monde déroule son étrange chorégraphie sous nos yeux.
Sam. 15h30, Vauban 5

Stéphane BRETON : Le monde extérieur (2007/54’)

Dans cette ethnographie à l’envers où il regarde ce qu’il connaît trop bien, un promeneur déambule dans les rues en bas de chez lui tout en se souvenant d’un pays lointain et de l’ami absent à qui il parle.
Sam. 14h, Vauban 5

Claire SIMON : Le bois dont les rêves sont faits (2014/146’)

On se promène au bois et les gens racontent à celle qui veut bien les entendre de quoi leurs vies sont faites.
Sam. 10h30, Grande Passerelle 1

Avi MOGRABI : Août avant l’explosion (2001/72’)

S’il y a un cinéaste qui va au contact comme un lutteur avec ceux qu’il filme, sans baisser les yeux ni les bras, c’est bien Avi Mograbi, regardeur têtu et de mauvais poil dont l’obstination sert d’exemple à tout le cinéma documentaire. Lun. 17h45, Vauban 1

Alain CAVALIER : Le filmeur (2005/100’)

Un homme filme ce qui lui tombe sous les yeux tout en exprimant spontanément ce qui lui vient à l’esprit. Cette invention poétique consistant à faire sourdre l’image de la parole ou la parole de l’image est unique dans l’histoire du cinéma. Elle donne un film où l’on ne sait si l’on a vu ou si l’on a entendu ce dont il s’agit.
Dim. 17h15, Vauban 4

Emmanuel CARRÈRE : Retour à Kotelnitch (2003/105’)

Ballotté par des événements imprévus, c’est devant la caméra que se retrouve parfois celui qui nous raconte l’histoire du meurtre d’une femme qu’il avait rencontrée autrefois, mais amoindri, perdu, troublé, sensible, immédiat. Voilà un personnage auquel le film s’identifie.
Sam. 16h15, Vauban 5

Johan VAN DER KEUKEN : Les vacances du cinéaste (1974/39’)

Un homme part en vacances. Il filme sa famille, ses voisins, et puis des gens de passage. Tout est cousu et décousu par son regard. On ne voit plus que lui alors qu’il n’apparaît jamais.
Dim. 11h45, Vauban 3