Matinée : Le jour où j’ai basculé

Écrivains, poètes et cinéastes face à la guerre

image
Les Éternels, de Pierre-Yves Vandeweerd

Dénoncer les horreurs de la guerre ? Oui, bien sûr. Qui n’est pas pour la paix ? À ce jeu il n’est que des gagnants, belles âmes, romanciers et idéologues mêlés. C’est même le problème : la guerre, à ce jeu, c’est toujours l‘autre. Mais tenter de dire l’indicible, la vérité de la guerre ? Là commence la vraie, la grande littérature. Celle d’un Shakespeare, d’un Conrad, d’un Dostoïevski. Cela, tous les créateurs le savent – n’est-ce pas leur premier sujet ?

Une matinée «  Le jour où j’ai basculé   »

Au Théâtre Chateaubriand

Le Nigérian Elnathan John (Né un mardi, Anne-Marie Métailié) nous plonge dans le chaos de la société nigériane gangrenée par la violence et l’extrémisme religieux. Le Tunisien Yamen Manai signe avec L’Amas ardent (Elyzad Éditions) une «  fable aux accents voltairiens […], où il nous en apprend davantage sur les pulsions meurtrières des fous de Dieu que bien des discours   » (Paula Jacques). Le Syrien Omar Youssef Souleimane (Le petit terroriste, Flammarion) retrace son adolescence en Arabie Saoudite et l’endoctrinement des salafistes. Et le Danois Carsten Jensen signe La première pierre (Phébus), véritable réquisitoire contre la guerre.
Suivi à 11h30 du film Stronger than a bullet de Maryam Ebrahimi. Fervent partisan de la Révolution iranienne, Saied Sadeghi a photographié la guerre Iran-Irak (1980-1988) au plus près des théâtres d’opérations. Il rêvait d’être un martyr et un grand nombre de ses photos a été détourné à des fins de propagande, comme un appel au martyr. Aujourd’hui, il se sent responsable de la mort de milliers de jeunes gens.
Dimanche dès 10h, Théâtre Chateaubriand

Pour saluer la Revue Apulée

Lectures et rencontres en musique à l’occasion de la parution du nouveau numéro de la revue Apulée — «   Guerre et paix  » — avec les auteurs ayant contribué au numéro. La revue, lancée par Hubert Haddad, entend parler du monde d’une manière décentrée, nomade, investigatrice, avec pour premier espace d’enjeu l’Afrique et la Méditerranée. Avec Hubert Haddad, Jean-Marie Blas de Roblès, Yahia Belaskri, Omar Youssef Souleimane, Colette Fellous, Jean Rouaud et Éric Sarner
Sam. 14h30, Grande Passerelle 2

Fiction, non-fiction

Quelques récits, d’une grande intensité : Les guerres perdues de Youri Beliaev (Grasset), où Pierre Sautreuil, déjà récompensé du prix Bayeux-Calavados des correspondants de guerre, dresse le portrait d’un mercenaire de guerre ukrainien aux multiples vies et s’interroge sur cet «  individualiste absolu  » de la décennie post-URSS. Thierry Cruvellier avec Terre Promise (Gallimard) raconte 27 ans d’histoire de la Sierra Leone à travers ses rencontres et expériences personnelles, ou l’épopée tragique d’un peuple en résilience. L’Indien Anjan Sundaram (Bad News, Marchialy), prix Reuters en 2006, nous entraîne au Rwanda sous la dictature de Paul Kagame, et raconte les réseaux de la peur du pouvoir en place, notamment contre la presse libre.
Lun. 14h, Univers

Guerres des religions

Raphaël Jerusalmy publie La rose de Saragosse, un roman palpitant dans lequel il revient sur la persécution des Juifs d’Espagne par l’Inquisition au XVe  siècle. Un roman humaniste au rythme de polar, qui emprunte les chemins du passé pour «   ouvrir des pistes de réflexions parfaitement actuelles   » (L’Humanité) sur la puissance politique de l’art face à l’intolérance. Après Seul le grenadier qui explore le thème de la vie et de la mort, indissociables dans ce pays où les bombes menacent chaque instant, Sinan Antoon poursuit son exploration de la violence qui s’est emparée de son pays avec Ave Maria (Actes Sud), consacré au sort des chrétiens d’Irak. Le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr s’attaque à nouveau à l’intégrisme religieux avec De purs hommes et Wilfried N’Sondé dont le très beau Un océan, deux mers, trois continents vient de remporter le prix Kourouma 2018.
Dim. 18h, Univers

Au cœur des ténèbres

Le Danois Carsten Jensen (La première pierre, Phébus) nous plonge dans l’univers violent des forces militaires danoises en Afghanistan. Blaise Ndala (Sans capote ni kalachnikov, Mémoire d’Encrier), raconte la guerre qui gangrène la région des Grands Lacs de sa jeunesse, doublé d’une charge acerbe sur notre monde obsédé par la marchandisation de la misère des pays africains. Alfredo Pita avec Ayacucho (Anne-Marie Métailié) publie “Le” roman de la violence péruvienne des années 80 et 90. Tout à la fois thriller, western, récit ethnographique, le roman politique Timika (Anacharsis) de Nicolas Rouillé explore cette Papouasie occidentale écrasée sous la botte militaire indonésienne, en proie à un saccage écologique et humanitaire sans précédent, si peu connu des médias. Juste et percutant. Tandis qu’Eka Kurniawan, dans Les Belles de Halimunda (Wespieser), retrace l’histoire d’une lignée de femmes maudites et révoltées, dans l’Indonésie aux prises avec la colonisation hollandaise, l’occupation japonaise puis la dictature.

Pierre-Yves Vandeweerd/Antoine Agoudjian : regards sur un monde en guerre

À 16h, projection de Résilience, photographies d’Antoine Agoudjian. Suivie à 16h15, d’une rencontre «   Mémoire et histoire   ». Hanté par la disparition, par la nécessité de donner un visage et une voix aux oubliés du monde, le cinéaste belge Pierre-Yves Vandeweerd construit de film en film une œuvre puissamment originale. Les Éternels est un récit d’errance aux confins du Haut-Karabagh, une enclave arménienne en Azerbaïdjan. Habités par les fantômes du génocide et par la guerre qui y sévit depuis plus de vingt ans, on appelle «   Éternels   » ceux qui souffrent de la mélancolie d’éternité. Convaincus que la mort ne peut avoir raison d’eux, ils se croient condamnés à errer dans l’attente du jour où ils seront libérés de leur existence. Tout le travail d’Antoine Agoudijian est aussi habité par la question de la mémoire. Parti sur les traces du peuple arménien, en Anatolie, au Haut-Karabagh, il a sillonné tout le Moyen-Orient. Le chaos de la guerre et la souffrance des populations sont pour lui comme un écho aux souffrances de son peuple.
À 17h15 projection du film de Pierre-Yves Vandeweerd, Les Éternels.
Mémoire et histoire : Sam. 16h, Grande Passerelle 2
Écrire la guerre en mots et en images : Lun. 15 h15, Maupertuis

Olivier Guez, la guerre après la guerre

Après l’Impossible retour et son film sur Bauer, procureur allemand qui traqua Eichman, il continue d’interroger l’après Seconde Guerre mondiale, la guerre après la guerre. Il s’empare cette fois-ci de l’histoire du tristement célèbre médecin d’Auschwitz dont il décrit avec minutie et froideur la traque et la chute dans La disparition de Joseph Mengele (Grasset). On plonge avec lui aux côtés du monstre, interrogeant le mal et sa banalité. Trois ans d’écriture minutieuse et documentée pour une histoire inouïe et dérangeante (prix Renaudot 2017).
Café littéraire, dim. 16h