Une bataille légendaire, un martyre spectaculaire, la rencontre des peintures hollandaises et mogholes…Sanjay Subrahmanyam présente les fascinations et incompréhensions réciproques à partir desquels se développèrent les cultures croisées de l’Eurasie du XVe au XVIIIe siècle.
Dans l’Inde du XVIe siècle des cours rivales s’affrontent. La tension culmine entre états musulmans et hindous. Au terme un jeu très élaboré d’ « insultes » diplomatiques entre cours la guerre éclate et culmine avec une bataille décisive en janvier 1565. Tout cela nous est raconté au filtre de chroniqueurs, d’observateurs ou de poètes de toutes langues, du persan jusqu’au portugais. À chacun ses codes, à chacun ses symboles. Et l’on découvre à quel point chacun peine à traduire dans son système de valeurs celui de l’autre.
À l’heure où l’Europe et l’Asie tissent des contacts toujours plus étroits, la rivalité commerciale et politique s’envenime également du fait des incompréhensions religieuses. Celles-ci ont aussi, très souvent, des enjeux de protocoles, d’apparences et de préséances. En témoigne le spectaculaire martyre d’un officier portugais en Malaisie occidentale en 1583.
Dernier exemple de ces histoires connectées d’Eurasie : les influences réciproques entre peintres de la cour moghole et peintres du Siècle d’Or hollandais. Au gré de la diplomatie et du commerce, artistes, livres et images circulent au XVIIe siècle à travers un vaste territoire allant des Pays-Bas, de la péninsule ibérique et de l’Italie jusqu’à Delhi, Agra et le Deccan.
Sanjay Subrahmanyam ouvre ici un large champ de réflexion sur l’Islam, la Contre-réforme, le catholicisme, le protestantisme et le monde « hindou ». Certains débats sur des sujets cruciaux de notre monde contemporain, comme la laïcité ou le cosmopolitisme, trouvent un éclairage subtil dans l’étude de ces conflits et interactions au début des temps modernes.
Revue de presse
- L’auteur montre admirablement que la fameuse « incommensurabilité culturelle » n’est qu’une illusion, d’où l’histoire sort appauvrie. Les rencontres, si elles sont aléatoires, parfois même par l’entremise d’individus isolés, sont d’une rare fécondité. Par- delà les symboles et les codes, au fil de récits aux intentions souvent opposées, d’une infinité de jeux de miroir, naissent des points de jonction entre des cultures que tout semble opposer. Un ouvrage superbe, et une formidable leçon de méthode. (Pierre Aubé, Les Affiches de Normandie)
- L’historien indien Sanjay Subrahmanyam donne un coup de vieux à nos manuels scolaires. Ce qui intéresse ce voyageur polyglotte, qui ne borne pas son approche de l’Histoire au tracé des frontières, ce sont les échanges entre empires ou nations. Dans les deux sens. Car on a accordé trop peu d’importance jusqu’ici à l’influence qu’ont eue les non-Européens sur notre histoire. Contre les tenants d’un choc de civilisations, il s’emploie, dans L’Eléphant, le Canon et le Pinceau, à montrer les liens qui unissent les cours d’Europe et d’Asie entre 1500 et 1750. Les échanges qui les rapprochent, plutôt que le fossé qui les sépare, voilà ce qui intéresse Sanjay Subrahmanyam. (Marion Rousset, Télérama)
- Dans ce livre foisonnant découpé en trois longs chapitres, Sanjay Subrahmanyam, chef de file de l’histoire-monde, nous plonge au cœur des cours rivales dans l’Inde des XVIe et XVIIIe siècles. Sa manière virtuose de croiser les sources persanes et portugaises lui permet de contester une idée bien ancrée : celle d’une « incommensurabilité » entre les espaces culturels mis en contact par l’arrivée des Occidentaux(…) . Ce livre surprenant permet de saisir plus finement la pluralité des dynamiques des mondes modernes. (L’Histoire)