« Ce livre raconte une rencontre. J’ai croisé George Eliot très tôt dans l’enfance, sous la forme d’un livre énigmatique trouvé dans la bibliothèque de mon père, puis, au long de la vie, de divers signes annonciateurs. Le plus explicite d’entre eux m’est venu de mon professeur de troisième, Renée Guilloux. Ses élèves adolescentes étaient habitées par les doutes, espoirs, désirs et tourments propres à leur âge : elle leur suggérait, pour mieux les comprendre, la fréquentation d’une romancière anglaise, George Eliot, et de ses héroïnes.J’ai mis longtemps à transformer ce conseil en livre. Celui-ci n’est pas une biographie, malgré l’admiration que m’inspire une femme supérieurement intelligente, assez brave aussi pour affronter, dans la société victorienne, l’ostracisme social que lui vaut la liberté des mœurs et de l’esprit. Il s’agit d’autre chose : une promenade dans la forêt de ses romans.
Sans céder à la tentation académique d’un parallèle à la Plutarque, la comparaison des deux George, Eliot et Sand, éclaire sur la couleur de leurs engagements, et singulièrement de leur féminisme. Et l’affection passionnée que la cadette vouait à son aînée française, aide à comprendre la parenté des chemins qu’elles ont empruntés.Voyage buissonnier donc, qui m’a réservé la surprise de retrouver des questions familières. Et celle-ci d’abord, qui unit les deux versants de mes livres : qu’ont de commun le roman et l’histoire ? Mais aussi celles qui font toujours le vif de nos débats du jour : comment s’orienter dans un monde déserté par l’intervention divine ? Comment définir notre identité, c’est-à-dire arbitrer entre ce dont nous avons hérité et ce que nous voulons choisir ? Et, ceci à l’usage féminin, peut-on à la fois revendiquer l’égalité et chérir la dissemblance ? La merveille est qu’en cheminant avec l’autre George, ces grandes interrogations n’ont plus rien d’intimidant. Elles portent des noms, elles ont des visages. Elles font entendre des voix, et celles-ci, toutes discordantes qu’elles puissent être, aident à mieux déchiffrer la vie. » M. O.
- “L’ensorceleuse sensible Mona Ozouf fait mouche une fois de plus en alliant, au nom de la transmission, l’intelligence des êtres, les émotions ressenties, une écriture fluide et belle qui se lit avidement.” La Croix