Les fantômes du Louvre lls hantent les couloirs du musée du Louvre... ils sont morts depuis longtemps, souvent de manière violente... ils sont légionnaire romain, muse, peintre, officier allemand... ils ont croisé un jour un peintre, un sculpteur, leur modèle... Enki Bilal les a croisés, errants dans les couloirs du Louvre, a proximité de l’oeuvre qui a fait basculer leur vie : la Joconde, la Victoire de Samothrace, un Christ couché, un masque égyptien... Il nous livre leur vie en une galerie de portraits inattendue. Le temps de vingt-deux portraits, Enki Bilal revisite le Louvre... Il imagine 22 destins de femmes, d’hommes ou d’enfants dont la vie a été bouleversée par une oeuvre. 22 portraits pour 5000 ans de création. Un travail magistral qui sera présenté dans une exposition exceptionnelle au sein du musée du Louvre, du 19 décembre au 18 mars 2013. Enki Bilal C’est comme si au Louvre on respirait du fantôme. A chaque coin de galerie, dans chaque parcelle d’oeuvre, dans tout ce que les yeux touchent, partout dans et sur le parquet, dans les replis des murs, dans tout l’air qui colle aux plafonds... En sortant du musée, on en recracherait des bribes immiscées dans les poumons le temps de la visite, du côté Rivoli ou sur les quais de Seine, bribes qui s’en retourneraient aussitôt à leur place, comme aspirées par leur destin, inamovibles témoins scellés à leur temps. Dans ce livre, ils sont vingt-deux fantômes. Pourquoi vingt-deux et pas un de plus ou un de moins, et pourquoi surtout, ceux-là et pas d’autres, beaucoup d’autres possibles ? Pas de réponse... Ou alors, c’est peut-être ces vingt-deux là qui ont fait signe, qui ont voulu plus que les autres, qui ont joué des coudes, se sont imposés, faisant davantage corps avec leur oeuvre, leur espace. L’ambition chez les fantômes existerait donc. J’ai dû faire près de quatre cent photos, dans des périodes de musée désert, rare moment de privilège. Quatre cent photos, c’est peu. Il y avait donc déjà du tri, inconscient, peut-être déjà influencé par "eux". De grandes oeuvres emblématiques passées à la trappe. Peut-être leurs fantômes étaient-ils médiocres ? Ou peut-être l’ai-je été moi... Car des regrets, j’en ai. Et chaque fois que je remettrai les pieds dans ce vivier magnifique, d’une manière ou d’une autre, je traquerai les manquants. Les photos choisies, légèrement désaturées ont été tirées sur toile. Les fantômes ont été révélés à l’acrylique et rehaussés au pastel. Leur biographie croise la vérité historique, mais peut parfois s’en éloigner, l’état de fantôme étant par essence apocryphe.