- © H. Bamberger
Écrivain, professeur et psychanalyste, Pierre Bayard est un auteur surprenant, tant par la diversité des sujets qu’il aborde que par la forme très libre des essais qu’il écrit. De façon cartésienne, il sonde la littérature jusqu’à mettre en avant les liens qu’elle entretient avec la réalité.
Ce normalien originaire d’Amiens, aujourd’hui professeur de littérature française à Paris VIII, s’adresse au plus grand nombre. Ses textes, qqui mêlent savament humour et sérieux, sont remplis de références érudites, mais le ton qu’il emploie ne restreint pas son lectorat, bien au contraire.
Inspiré par Jorge Louis Borges, l’OuLipo des années 60, Georges Perec et Raymond Queneau, cet auteur très créatif s’amuse avec les textes les plus classiques, et nous en fait profiter en offrant un nouvel essai chaque année. Les registres sont nombreux, les sujets variés et les thèses soutenues toujours truculentes : les digressions de Proust sont trop nombreuses, À la recherche du temps perdu mérite une relecture épurée ; il faut poursuivre les criminels de la littérature restés impunis, puisqu’Agatha Christie n’a pas su trouver le bon coupable, Pierre Bayard s’en charge dans Qui a tué Roger Akroyd en 1998.
Avec esprit et malice, il nous dévoile les secrets qui permettent de savoir Comment parler des livres que l’on n’a pas lu, Comment améliorer les œuvres ratées, ou encore Comment parler des endroits où l’on n’a pas été. Il nous plonge avec ce dernier dans les récits de voyage les plus célèbres, démystifiant leurs auteurs, qui n’ont parfois jamais mis les pieds dans les endroits qu’ils évoquent pourtant avec force. Finalement, est-ce vraiment nécessaire de les avoir vu pour en parler de façon pertinente ? N’est-ce-pas le propre même des auteurs de nous faire voyager dans des lieux qu’eux mêmes n’ont jamais visité ? Qu’il s’agisse de Marco Polo, Blaise Cendrars ou encore de Chateaubriand, personne ne semble être épargné, les théories sont étayées et Pierre Bayard déroule le fil de ses pensées avec brio.
Après Demain est écrit et Le plagiat par anticipation, Pierre Bayard clôture sa trilogie consacrée à l’anticipation littéraire avec Le Titanic fera naufrage qu’il vient nous présenter cette année. Un essai qui met en exergue la capacité annonciatrice de la littérature. Avec une logique implacable, il démontre combien les prédictions des auteurs ont pu se révéler exactes et récuse l’idée selon laquelle il s’agirait de simples coïncidences. Qu’il s’agisse d’un travail de réflexion, d’une sensibilité particulière des auteurs ou de ce qui ressemble à de véritables prémonition, si les auteurs sont en mesure de déchiffrer le monde dans lequel nous vivons et capables d’anticiper celui vers lequel nous allons, pourquoi ne pas accorder plus de crédit à leurs écrits ?
Bibliographie :
- Le Titanic fera naufrage (Minuit, 2016)
- Aurais-je sauvé Geneviève Dixmer ? (Minuit, 2015)
- Il existe d’autres mondes (Minuit, 2014)
- Aurais-je été résistant ou bourreau ? (Minuit, 2013)
- Comment parler des lieux où l’on n’a pas été ? (Minuit, 2012)
- Et si les œuvres changeaient d’auteur ? (Minuit, 2010)
- Le Plagiat par anticipation (Minuit, 2009)
- L’Affaire du chien des Baskerville (Minuit, 2008 et « Double », 2010)
- Comment parler des livres que l’on n’a pas lus (Minuit, 2007)
- Demain est écrit (Minuit, 2005)
- Peut-on appliquer la littérature à la psychanalyse (Minuit, 2004)
- Le Détour par les autres arts (pour Marie-Claire Ropars, dir. Pierre Bayard et Christian Doumet, L’Improviste, 2004)
- Enquête sur Hamlet. Le Dialogue de sourds (Minuit, 2002)
- Comment améliorer les œuvres ratées ? (Minuit, 2000)
- Lire avec Freud (pour Jean Bellemin-Noël, dir. Pierre Bayard, Presses universitaires de France, 1998)
- Qui a tué Roger Ackroyd ? (Minuit, 1998 et « Double », 2008)
- Le Hors-sujet. Proust et la digression (Minuit, 1996)
- Maupassant, juste avant Freud (Minuit, 1994)
- Le Paradoxe du menteur. Sur Laclos (Minuit, 1993)
- Il était deux fois Romain Gary (Presses universitaires de France, 1990)
- Symptôme de Stendhal. Armance et l’aveu (Lettres modernes-Minard, 1980)
- Balzac et le troc de l’imaginaire. Lecture de La Peau de chagrin (Lettres modernes-Minard, 1978)