Mon pire ennemi !

Écrit par PERMAL Emilie (2nde, Lycée Faustin Fléret de Morne à l’eau), sujet 1. Publié en l’état.

J’aimerais que tu m’aides à grandir. J’aimerais que tu m’aides à me libérer de cette peur de l’inconnu qui m’emprisonne tel un gouffre, sans que je ne puisse comprendre pourquoi.

Aujourd’hui, à l’heure du déjeuner, j’ai rendez-vous avec ma petite amie, Gaby. Elle m’a prévenu qu’il serait avec elle. Depuis qu’ils s’étaient rencontrés, ils étaient devenus inséparables. J’en éprouve une jalousie extrême. Il avait débarqué dans sa vie, et du jour au lendemain ils étaient devenus les meilleurs amis du monde. Comment pouvait-il faire basculer mon quotidien de la sorte ?

J’avais pourtant fait très attention. Quand je les voyais dans la rue je prenais le trottoir opposé, quand ils me regardaient je détournais mon regard, même quand on me parlait d’eux je changeais de discussion. J’avais absolument tout fait pour qu’ils n’entrent jamais dans ma vie. Mais l’un d’eux avait fini par y réussir.

J’arrive en premier sur le lieu du rendez-vous. Je les attends. Je n’ai aucune envie de le rencontrer, j’en éprouve même une terrible crainte. Toute mon enfance, on avait cessé de m’avertir contre "les êtres de son espèce", comme disait ma Grand-mère. On m’avait interdit de les approcher ou d’avoir des relations avec eux sous prétexte qu’ils sont méchants et égoïstes.

Au début je me sentais privé. Puis j’avais fini par en avoir peur. Une peur qui s’est ensuite transformée en phobie. Ils m’ont volé toute mon enfance, et maintenant l’un d’eux croit qu’il pourra gentiment devenir mon ami. Je n’arrive même plus à dormir à cause de lui.

Je ne te raconte pas tout cela pour te convertir à ma façon de voir les choses. Je veux juste t’exprimer mes sentiments et justifier mon comportement. Je veux que tu comprennes mes raisons.

Je me demande encore pourquoi j’ai accepté ce rendez-vous. Sans doute parce que Gaby m’y a obligé. Elle n’avait cessé de me répéter que je ne le connaissais pas, que je ne l’avais jamais rencontré et donc que je ne pouvais pas le juger. Elle avait tort. Je ne le connais pas, c’est vrai, mais pas besoin de trop d’imagination pour comprendre comment il est. C’est un hypocrite ! Il se fait passer pour son ami mais c’est un traître.Il la trahira tôt ou tard. Il ne veut que profiter d’elle, puis quand il aura fini il s’enfuira et la laissera seule avec son désespoir. Il pense peut être qu’il pourra faire la même chose avec moi mais il se trompe. Je ne suis pas dupe. Ce profiteur n’aura jamais ma confiance et ne sera jamais mon ami.

Je les vois enfin arriver. Je leur fait signe de la main. Ils se dirigent vers moi. Je le rencontre enfin. Nos regards s’entrecroisent. Je sens une lueur vive dans ses yeux, comme s’il attendait ce moment avec impatience. Il marche lentement tout en me fixant. Les émotions de mon enfance ressurgissent. Ces émotions dont je n’ai jamais saisi le sens.

-"Salut toi !" dit Gaby en s’approchant de moi.
-"Désolée pour le retard, continue t- elle, il y a beaucoup de circulation sur la route aujourd’hui. Tu attends depuis longtemps ?"
-"Non à peine, répondis-je, c’est sympa cet endroit ! On peut fumer et même les animaux sont acceptés."
-"Oui tu as raison. J’aime bien les endroits comme cela. C’est simple et il n’y a pas trop de contraintes ou restrictions. On se sent libre. Au fait je n’ai pas encore fait les présentations. Jeff voici Mike, mon petit ami. Mike je te présente jeff, celui dont je te parle si souvent."
-"Je suis ravie de pouvoir mettre un visage sur ton nom, jeff, "dis-je d’un ton sec pour ne pas laisser la peur m’envahir.
Je l’observe. Il est assis calmement en me regardant. Il n’a pas l’air si féroce finalement...

On a presque fini de manger. Jeff s’est comporté en véritable gentleman. On l’a à peine entendu. Il nous à écouté pendant tout le dîner sans se plaindre. Moi qui pensais qu’il aurait été un faiseur de trouble, pas du tout ! Nous avons passé un agréable moment tous les trois, comme je ne l’aurai jamais imaginé. Et si je m’étais trompé sur lui ? Sa manière de me regarder est si douce, si sincère et si innocente...

J’en reviens à regretter toutes les choses que j’ai dites sur lui. Il est tellement beau et attachant. Il ne peut pas être comme je l’ai décrit. Soudain je me rends compte de la façon dont je l’ai traité alors que je ne le connaissais pas. Je me sens honteux, méchant, une personne remplie de préjugés !

Tu sais, il ne faut pas m’en vouloir. A cause de ce que j’ai vécu dans mon enfance : de toutes ces choses fausses et épouvantables que l’on m’a enseignées dès mon plus jeune âge, mes préjugés étaient profonds et ont résisté toutes ces années. Mais j’ai également une part de responsabilité, je l’avoue : je me suis fait une impression, puis je suis resté sur cette position sans jamais évoluer ; sans jamais regarder plus loin.

Aujourd’hui je me sens libéré. J’ai enfin compris la nature de toutes ces émotions qui m’étaient, jusqu’à présent, inexplicables. Ce n’était pas de la peur, de la crainte, ou de la phobie. C’était juste de l’envie. Depuis mon enfance, j’avais envie de leur parler, de jouer avec eux, d’être leur ami. Mais on m’avait privé de tout cela.

Je m’approche de jeff. C’est grâce à lui si je suis libre. Je m’accroupis devant lui. Je le caresse doucement en disant : "Tiens, jeff. Tu es un bon chien."