Velibor Čolić raconte ici ses premières années d’exil, de 1992 à 2000. Le récit commence avec son arrivée à Rennes où il débarque totalement démuni après avoir déserté l’armée bosniaque, dans les rangs de laquelle il a vécu cinq mois d’enfer. Désespéré, sans argent ni amis, ne parlant pas le français, il se retrouve dans un foyer pour réfugiés parmi une population disparate : familles africaines, ex-soldats russes, paumés de toute espèce. L’alcool l’aide à tenir, il lui arrive de rencontrer des femmes, mais la misère est tenace. Il s’accroche à son rêve d’écriture – il a déjà publié trois livres en ex-Yougoslavie, et son expérience de la guerre fournira la matière de son premier livre en français, Les Bosniaques. Après Rennes, il dérivera en Europe, à Budapest, à Prague, à Strasbourg où il trouvera enfin un équilibre grâce au parlement des écrivains qui lui fournit un logement stable. Le récit se termine sur le compte à rebours précédant le passage au troisième millénaire. Poète aux poches crevées, il sait qu’il ne quittera jamais sa condition d’exilé.
Velibor Čolić aborde ce sujet d’une grande actualité avec une écriture poétique, pleine de fantaisie et d’humour absurde, de fulgurances, de faux proverbes, de paradoxes, d’aphorismes comiques (« L’an dernier j’étais encore un peu prétentieux, mais cette année je suis parfait »). On y croise quelques femmes (rencontres sans avenir, souvent amères) et des personnages hauts en couleurs, notamment des Roms qui, à Rennes comme à Budapest, s’inventent un art de vivre à base de système D et de fatalisme roublard. Velibor Čolić décrit sans apitoiement la condition des réfugiés, avec une ironie féroce et tendre.