Un premier roman incroyablement maîtrisé, au style riche et foisonnant.
Le voyage d’Octavio est celui d’un analphabète vénézuélien qui, à travers d’épiques tribulations, va se réapproprier son passé et celui de son pays. Le destin voudra qu’il tombe amoureux de Venezuela, une comédienne de Maracaibo, qui lui apprend l’écriture. Mais la bande de brigands « chevaleresques », menée par Rutilio Alberto Guerra, pour laquelle il travaille, organisera un cambriolage précisément au domicile de sa bien-aimée. Avant que ne débute un grand voyage dans le pays qui porte son nom. Octavio va alors mettre ses pas dans ceux de saint Christophe, dans ceux d’un hôte mystérieux, dans ceux d’un peuple qu’il ignore.
Car cette rencontre déchirante entre un homme et un pays, racontée ici dans la langue simple des premiers récits, est d’abord une initiation allégorique et amoureuse, dont l’univers luxuriant n’est pas sans faire songer à ceux de Gabriel García Márquez ou d’Alejo Carpentier.
Revue de presse
« Démarre alors pour Octavio une longue errance qui fait de lui un déraciné permanent, un marginal en quête de quelque chose de plus grand que lui. Chemin faisant à ses côtés, on passe insensiblement d’une sorte de quête de rédemption à une manière d’ethnologie buissonmère. Octavio traverse le pays autant que le pays le traverse. Il se fond dans le peuple et plus il marche, plus il paraît se transfigurer à la manière d’un saint laïque. Au thème du déchiffrement présent au début du livre succède une autre forme d’initiation, celle que représente le voyage, le déplacement, des forêts de San Esteban aux bidonvilles, de plantations en chantiers. Il y a dans les pages les plus touchantes de ce roman quelque chose de feutré qui, étrangement, en accroît la portée et, par ricochet, la valeur symbolique. L’histoire de son pays, sa géographie et son folklore trouvent en Octavio plus qu’un echo, une incarnation digne des récits de traditions populaires. Ce n’est pas le moindre des talents de Miguel Bonnefoy que de ne rien vouloir démontrer. ll n’explique pas, n’impose pas, il raconte, donne à sentir le poids de la terre. Non, vraiment, c’est avec une singulière faculté d’enchantement que Bonnefoy nous fait marcher dans les pas de ce personnage qui ne sort jamais vraiment de l’anonymat. II n’est qu’un passant, un passeur de symboles. »
Anthony Dufraisse, Le matricule des anges, janvier 2015