Kinshasa, 2003 : après l’assassinat du président Kabila, son fils Joseph lui succède. Au Congo, la guerre civile – avec son lot de massacres, d’atrocités et d’interventions étrangères – s’achève, ou du moins on l’espère. Selon les accords de Sun City et de Pretoria signés en 2002, des élections libres doivent être organisées. Dans la capitale, c’est l’installation d’un gouvernement de transition : partage du pouvoir avec les rebelles, réunification officielle de l’armée.
Assani, militaire de longue date récemment promu général, témoin actif de tous les conflits de ces dernières années, s’installe en ville avec ses hommes, comme lui originaires de l’Est, c’est à dire qu’ils ont longtemps été considérés comme des rebelles à la solde du Rwanda ou du Burundi. C’est de cet homme que ce livre dresse le portrait en alternant les chapitres qui le suivent dans l’actualité et ceux qui reprennent chronologiquement le cours de sa vie. Lieve Joris retrace l’enfance d’Assani, sa jeunesse, son arrière-plan tribal et géographique, son parcours étudiant, ses obligations familiales et sociales, ses préoccupations éthiques au milieu du chaos. Assani est-il une victime, un pion passif, un héros, ou bien le responsable d’exactions, l’agent de services de renseignements ? Quelle que soit son identité, on sent en tout cas que son personnage est inspiré d’une personne bien réelle, qui a fasciné Lieve Joris.
Le pan de l’histoire du Congo évoqué dans ce livre commence à la fin du régime Mobutu, se poursuit au fil des années de chaos qui ont suivi et s’achève en 2004 sur un semblant d’espoir. À sa manière, Assani est emblématique d’une génération et son parcours est sans doute celui de nombreux jeunes étudiants un peu partout en Afrique, plus ou moins obligés de suivre un chemin qu’ils ne choisissent pas forcément, une voie officielle associant connaissance et rôle social, études et armée, puis poste à responsabilité politique, destin ambigu. Après avoir grandi au milieu des cases et des vaches, Assani devient un jour homme de pouvoir, homme de violence, obligé de trahir ou d’être trahi. C’est donc à un homme infiniment seul que ce livre étonnant donne une voix. (traduit du néerlandais par Marie HOOGHE)