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Étonnants Voyageurs à Saint-Malo: un bilan «assez exaltant»

La 25e édition du festival Étonnants Voyageurs organisé au cœur de la Cité corsaire, a accueilli durant trois jours plus de 60 000 visiteurs, sous l'égide de son fondateur Michel Le Bris


INTERVIEW - La 25e édition de la célèbre manifestation littéraire malouine s'est achevée lundi 9 juin. Son fondateur Michel Le Bris revient sur les temps forts et autres moments d'émotion du festival qui a attiré près de 60.000 visiteurs cette année.

LE FIGARO. - Quel bilan dressez-vous de cette 25e édition?

MICHEL LE BRIS. - Un bilan quand même assez exaltant. Depuis vingt-cinq ans, je suis impressionné par la foule toujours plus nombreuse qui assiste aux débats que nous organisons. Toutes les salles de cinéma ont refusé du monde. Des gens très tôt faisaient la queue dès 8h pour une ouverture à 10h. Je me rends compte avec les années que nous ne faisons pas un festival marketing, nous ne faisons pas un festival de stars. Nous faisons ce qui nous fait rêver. Année après année, nous développons une idée de la littérature, une capacité à dire l'inconnu du monde qui vient, bref une vision du monde. Mais j'avoue que c'est très émouvant de voir cette foule qui se presse. Cette image va à l'encontre de l'idée d'une France déprimée, qui croit plus à rien, qui ne s'intéresserait pas, dit-on, au reste du monde.

Quelle ont été vos motifs de satisfaction?

Quand je vois cet appétit, cela me rend heureux pour les 250 auteurs de 43 pays différents qui sont là qui dialoguent, qui dînent ensemble le soir. Le but de ce festival est véritablement de créer cette circulation de paroles à l'échelle du monde. Et malgré la concurrence du beau temps, que près de 60 000 personnes se pressent au Palais du Grand Large et dans les diverses manifestations organisées par le festival, c'est un cadeau que les gens nous offrent en répondant de cette manière-là.

Quelles furent les principales trouvailles de cette année?

Je crois que le public du festival a essentiellement pu découvrir les romanciers de la délégation chinoise. L'image d'Epinal que l'on garde des Chinois, c'est plutôt celle d'un peuple qui marche en rang, etc. Là, nous avons pu découvrir des gens pleins de fantaisie, drôles, percutants. Ils ont une insolence pour parler de la société dans laquelle ils vivent, une liberté de ton qui est proprement sidérante. Il est capital pour nous au festival de voir cette génération d'écrivains, ce qu'elle est en train de dire et de faire, malgré la censure du Parti. Quand les auteurs chinois parlent de ces mégapoles, de la dureté des rapports sociaux, cela entre en résonnance avec changé parce que cette nouvelle génération, elle dit autre chose, elle vient d'ailleurs. Ils en disent beaucoup sur la violence mais aussi la puissance. Le festival Etonnants voyageurs, c'est tout à fait ça, cette expérience de mise en dialogue unique. 4000 écrivains sont venus ici, et se sont projetés partout face à un public ravi de les entendre.

- Le festival a aussi accueilli d'autres étonnants voyageurs en 2014: les super-héros dont le succès est phénoménal depuis une quinzaine d'années…

-Pour moi, Superman représente l'homme ordinaire capable de se transformer en surhomme. Mais mon idole reste le Surfer d'argent qui pour le coup porte en lui une sorte de mélancolie. Surtout, ce que je trouve formidable dans cette littérature de super-héros, c'est le poème de la ville, des mégapoles. En eux rugissent les puissances qui créent notre monde. Ce qui est fascinant, c'est à quel point ces personnages collent à l'époque, l'apparition graduelle d'une certaine forme de faiblesse les convoquent de plus en plus fortement. Ces récits super-héroïques constituent une sorte d'écriture de l'inconscient d'une nation et d'un monde. Je me rends compte que les super-héros, ce n'est pas seulement le succès d'un plan média. Un succès de cette nature renvoie forcément à autre chose. S'il n'y avait pas un écho, une résonance dans la psyché collective, les BD ou les films s'effondreraient. Nous assistons à l'apparition d'une nouvelle mythologie moderne «post-nationale». Et l'on peut parler de mythes d'aujourd'hui, car cela nous éclaire sur la manière dont se mettent en scène le jeu des forces premières contribuant à la création du monde. Dans chaque période de mutation, on voit revenir ces forces mythologiques. Le succès des super-héros en est un exemple criant. Rugissant même.

Étonnants Voyageurs à Saint-Malo: un bilan «assez exaltant»

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2 commentaires
  • Pierre Poupon

    le

    Le passage de Nicolas Bouvier restera le grand moment de ce festival. Le plus grand écrivain voyageur du siècle dernier.

  • Prénom Clotilde

    le

    Du calme... il n'y avait pas tant de monde que cela.
    Le Festival est éparpillé dans la petite ville, ce qui n'a jamais été pratique.
    Un peu la routine, depuis 1990 !
    Michel Le Bris, issu de mai 1968, n'a rien découvert : il existe des collections d'auteurs étrangers depuis des dizaines d'années, Pavillons, Du Monde entier, Feux croisés...
    La partie " littérature pour la jeunesse " était réduite cette année.
    Ce qui m'a frappée: la violence présente dans trop de livres.
    Mais j'ai bien aimé certaines rencontres, et aussi la découverte d"une nouvelle série chez Folio, avec de beaux textes de Georges Bernanos sur le Brésil réunis en anthologie par Sébastien Lepaque, lui-même publiant ses récits de voyage au Brésil, même collection.

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