L’ombre derrière les ténèbres

Écrit par Henry Holzschuch, incipit 1, en 2nde au Lycée Europole à Grenoble (38). Publié en l’état.

Le jeune homme s’avance. Son nom est Gavrillo Princip et dans sa poche il tient un revolver.

Ce récit commence dans les ténèbres, celles au fond de l’esprit du jeune homme, qui se forment et déforment la réalité, figeant le temps dans une bulle obscure autour de lui. Le cœur naît dans les ténèbres. C’est une âme de lumière qui fusionne avec le cœur afin de créer un individu. Mais certaines âmes sont faibles, et se font petit à petit ronger, consumer par les ténèbres du cœur, jusqu’à s’y perdre. Ces gens deviennent alors des personnes incomplètes, à la merci des ténèbres de leur cœur, qui les manipule et les force à agir de façon irraisonnée. Ce sont des Incomplets, forcés à tuer par les ténèbres de leur cœur qui ont submergé et corrompu leur âme, dans l’espoir que les cœurs libérés de leurs victimes les rendent complets à nouveau.

Ce récit commence avec une étincelle de lumière dans le cœur de Gavrillo. Il était différent des autres Incomplets. Lui avait réussi à dompter ses ténèbres, et à diriger ses instincts meurtriers. Il visait une personne particulière, sur laquelle il dirigeait sa rage, jusqu’à ce qu’elle le consume entièrement et qu’il la tue. Cette personne, était l’Archiduc François-Ferdinand. A présent, sa rage bouillonnait, et il se présentait devant le Prince, afin d’assouvir sa rage, sa soif de sang.

Ce récit commence dans la bulle de ténèbres autour de Gavrillo. Le temps s’était figé en-dehors, et continuait seulement dans cette bulle, ce minuscule univers où le jeune Incomplet combattait sa moitié, son âme corrompue et ténébreuse. C’était un monstre ; un petit être à la peau noire charbon, enveloppé d’une longue cape noire qui lui masquait le visage. Mais il ne fallait pas se faire induire en erreur par ce masque ; dessous se cachait une tête difforme, monstrueuse, noire comme la nuit, à l’apparence quelque part entre un serpent, un démon et un requin, entourée de serpents noirs comme l’ébène à la faim insatiable. Son torse était percé d’un énorme trou béant bordé de plusieurs séries de dents et donnant sur l’âme conquise, corrompue et torturée du jeune homme.

Ce récit commence avec la voix tentatrice et séductrice des ténèbres qui résonnent à l’intérieur de l’esprit tourmenté du pauvre jeune homme. Tu peux le faire. Tu dois le faire. Je ne veux pas. Je ne veux plus tuer. Plus jamais. Plus personne. C’est ton destin. Tu ne peux pas lutter. Abandonne-toi aux ténèbres comme je l’ai fait. Rejoins l’obscurité. Non ! Je lutterais. Tu ne me forceras plus à tuer. Ne veux-tu pas redevenir une personne complète ? Si... Alors, laisse-toi aller. C’est bien... Laisse ta rage te consumer... Non ! Je ne retomberais plus dans les ténèbres. Je ne veux pas devenir complet aux dépens des autres, je veux vivre libre ! Tu ne me prendras pas comme tu as pris mon âme. Mon corps m’appartient ! Non. Ton corps appartient avec ton cœur et ton âme : dans les ténèbres. Soumets-toi. Non... Si tu ne deviens pas complet rapidement, ton cœur retournera dans les ténèbres, et consumera ton âme. Tu deviendras un corps instable, sans objectifs, sans pensées, destiné à errer sur Terre pendant l’éternité ; un Sans-Cœur. Une incarnation des ténèbres, guidée par ton instinct, sans volonté, sans rien, l’ombre de ce que tu étais jadis. Peu m’importe. Plus personne ne souffrira de ma folie. Je sais qu’au fond, le cœur n’est pas fait de ténèbres ! Il est fait de lumières ! Ha ha ha ha ha... Pauvre fou. Les cœurs naissent dans les ténèbres. On n’échappe pas à son destin. Non ! Je ne le tuerais pas ! Ma décision est prise. Tu ne peux pas prendre de décision, ton cœur m’appartient. Tu n’as jamais eu le choix ! Ferme-la !

* * *

C’est ça... laisse bouillir ta rage. Tu te crois courageux en essayant d’échapper à ton destin, mais tu ne fait qu’accélérer la vitesse à laquelle il arrivera. Tel un fouet il te frappera et tu ne l’aura pas vu venir. Tout est tracé. Tu vas le tuer. Mais tu ne deviendras pas complet, oh non. Moi, je serais enfin libre, libre de ce corps que j’ai deja trop opprimé. Libre de chercher un autre corps, un autre rat pour étendre la peste que je suis. Toi, tu vas disparaître. Ton corps et ton ame seront consumés dans les afres des enfers, restant à bruler pour l’éternité pôur tes crimes. Tu te croyais spécial. Mais ca ne te sauvera pas.

* * *

Ce récit commence par une odeur de souffre. Un bruit sourd. Et un rire. Une fumée de souffre qui émane de l’arme que Gavrillo a à la main. Un bruit sourd qu’a fait la balle, tirée sur celui qui incarne les ténèbres de son cœur. Et un rire. Un rire poussé par ce dernier. Car le coup lui est passé à travers. Et est venu toucher l’Archiduc Francois-Ferdinand en pleine poitrine.

Ce récit commence par un regard. Un regard d’incomprehension, de surprise, de stupeur même. Un regard partagé entre l’Archiduc et l’Etudiant. Un regard plaintif, mélancolique. Un regard de regret. Un lien qui se forme entre les deux opposés. Un instant d’éternité. Puis reprend la réalité.

Ce récit finit par un rire. Un rire incontrolable, poussé par l’etre de ténèbres.
« Libre ! Enfin Libre ! »
A ces mots sur le sol surgirent des symboles. Un pentacle apparu. L’horizon disparut. Des colonnes de flammes soutenaient un plafond de roche rouge comme le sang. Un râle d’agonie completait le tableau dantesque de cet endroit abject.
« C’est donc ca... L’enfer. »