Images et colonies est le fruit d’un travail de trois années de recherches, dans les contres d’archives, les bibliothèques, les centres de documentation et les fonds privés. Douze mille images sélectionnées ont permis une classification méthodique des thèmes et des supports, étape insoupçonnable pour dresser une histoire des représentations coloniales. Cette histoire est celle de la genèse de ces figurations, de leurs évolutions, replacées dans leur contexte historique et sociologique. La profusion iconographique à laquelle nous avons été confrontés souligne l’importance du matériau image durant la période coloniale des Français. Mais cette source, n’a de valeur qu enrichie du savoir accumulé sur la période coloniale, savoir basé essentiellement sur le document écrit. Outre la mis en évidence de clichés, soit par déformation péjorative, soit par idéalisation, ce travail permet de souligner le passage entre les images « spontanées » sur l’Afrique, à l’ère de la colonisation et des explorations, et une véritable propagande organisée après la Première guerre mondiale. Même si la peinture ou la sculpture sont analysées, les supports à grand tirage (cartes postales, timbres, affiches, journaux…) ont été privilégiés dans la mesure où ils ont largement véhiculé une certaine image du continent africain. L’iconographie coloniale met en scène les rapports qu’une société a entretenus avec un continent qui, plus que tout autre, a symbolisé l’altérité. Dans ces images, ce sont autant les Blancs, les colonisateurs, les Français que nous apercevons, par effet de miroir, que les Africains. Ces représentations sont porteuses d’idéologie et d’une idéalisation de la société industrielle européenne, conçue comme unique perspective d’avenir des sociétés africaines. Cette idéologie va finalement triompher en Afrique après les indépendances. C’est pourquoi l’histoire de l’iconographie coloniale n’est pas seulement une affaire de l’ancienne métropole. Malgré le brassage des cultures, l’interdépendance croissante des nations et la volonté de préserver les identités en état de siège, l’Afrique et les Africains continuent bien souvent à se définir par rapport à l’Occident. C’est l’histoire de ce double rapport à l’iconographie coloniale, de la métropole et des colonies, que ce livre éclaire. Sans chercher à perpétuer une quelconque nostalgie ou dresser un simple procès de la colonisation, nous souhaitons que ces réflexions, ces rappels historiques et ces décryptages d’ensembles iconographiques, permettent, au-delà des outrances, une meilleure compréhension. Dans cette perspective, il nous semble plus que jamais indispensable de poursuivre ces recherches, afin de défricher le large champ des questions qui s’est ouvert devant nous.