L’art du tatouage, souvent méconnu et considéré comme un simple caprice ou comme une pratique barbare, est intrinsèquement lié à la culture marquisienne. Aux Marquises c’était la peau qui faisait l’enata ! Dans un monde de tradition orale, le Marquisien a su développer une forme d’expression où l’homme, aux yeux de tous, expose l’image immédiate, indélébile et pourtant changeante de ce qu’il est au sein de la communauté. Les images-signes du tatouage dans leur diversité et leur agencement étaient sources de beauté, porteuses de savoir, mémoire transmise, garanties de pouvoirs et moyens d’enseignement ... Intimement lié aux grandes époques de la vie, le tatouage était gage de succès, de reconnaissance sociale et d’admission dans le clan. C’était à la fois un droit d’entrée dans le monde des Hommes, des enata et une barrière protectrice contre les influences maléfiques, un renforcement de la peau et du corps par des motifs choisis pour leur pouvoir symbolique mais aussi esthétique. Il protégeait l’individu de la maladie, de la perte de son énergie interne et proclamait son identité. C’est pourquoi l’enata se drapait de ces représentations qui étaient autant de fragments d’un corps devenu sacré, qu’il se nomme Tiki ou Tupa, tout comme il enveloppait d’une autre peau, végétale celle-ci, ses divinités et ses objets précieux, à la fois pour les protéger et se protéger. Signe protecteur et aussi marque profonde d’une affirmation identitaire, d’une volonté de survie et de reconnaissance, le tatouage, héritage du génie inventif et du sens esthétique marquisien, part indiscutable du patrimoine de l’humanité, réapparaît aujourd’hui, au moment où, à la veille du troisième millénaire, l’archipel marquisien et la Polynésie abordent une nouvelle étape et réinvestissent leur patrimoine culturel.