Avec Isabelle Stengers et Lucien Hounkpatin Sandor Ferenczi. Un noir ! Un Africain, hospitalisé depuis au moins un an. Je l’ai trouvé là, assis sur un tabouret dans un couloir, mutique, immobile, perdu. Martha Freud. Un noir ? Sigmund Freud (impatient). Ne sais-tu pas, chérie, que les Français ont recruté des régiments entiers dans leurs colonies ? Martha Freud. Ils ont donné des armes modernes à des sauvages pour nous combattre ? Sandor Ferenczi. (à Sigmund Freud). Et savez-vous. Professeur, qu’ils veulent le rapatrier. Le rapatrier... mais où donc ? On ne connaît même pas son nom, il est incapable de prononcer un seul mot. Ce serait dommage de le renvoyer ainsi : ne trouvez-vous pas. Professeur ? Sigmund Freud. Et pourquoi donc ? La guerre n’est-elle pas finie ? Sandor Ferenczi. Mais, cher Professeur, quel gaspillage ! Quand on pense à l’intérêt théorique que présente un tel cas... c’est une superbe occasion... Un nouveau domaine pour développer la théorie... Imaginez cela : un sauvage, un primitif, un fossile vivant, entièrement à notre disposition. On pourrait étudier son psychisme, vérifier si la technique psychanalytique marche dans son cas... l’interroger sur ses fantasmes.