Le bûcher des martyrs illumine la Réforme pendant sa phase ascendante. Mais aux Feux succèdent les Fers, lorsque, avec les guerres de Religion, les martyrs se perdent dans l’anonymat des massacres. Le martyrologe de Crespin et Les Tragiques de d’Aubigné s’emploient à restaurer la lisibilité perdue. Établir la cause qui fait le martyr, en recourant aux catégories juridiques de l’adv ersaire, permet de rendre à l’Histoire son sens et à la minorité persécutée sa justification. Aussi la mémoire des martyrs hante-t-elle le protestantisme français, depuis ses origines jusqu’à son éclipse après la Révocation. Pour diffuser l’énergie du martyre, protestants et catholiques adoptent des partis contraires : à la prédication de l’Évangile sur le bûcher la Contre-Réforme oppose un théâtre des cruautés hérité de Sénèque ; à la parole vivante du témoignage, le spectacle des corps à l’agonie.