Ce roman pourrait aussi s’appeler « Une journée dans la vie de Vieux Os ». Nous sommes en 1976, à l’ère glauque des Duvalier. Ce « prince sans terre ni couronne », jeune journaliste de profession, doit quitter précipitamment Haïti, car sa vie est menacée. Les tontons macoutes ont tué son grand ami et une source près du pouvoir a averti sa mère qu’il était le prochain sur la liste. On ne rigole pas avec ces tueurs qui, on le verra dans le roman, échafaudent de fort sérieuses théories sur la nécessité, pour la bonne renommée du pays, de présenter au monde des « cadavres propres ». Ce sera l’occasion pour Vieux Os de faire un dernier tour de piste avant l’exil qui le conduira jusqu’à Montréal, ce paradis rêvé malgré l’enfer de l’hiver, de revoir sa famille et ses amis, de revisiter les lieux qui l’ont marqué depuis sa tendre enfance dans un Port-au-Prince hallucinant, véritable capitale de la douleur, cité exsangue et si attachante qui rassemble sous un même ciel damnés de la terre, prostituées, monstres sanguinaires, prophètes et dieux des ténèbres, là, devant cette mer étale si bleue. Le lecteur, lui, retrouvera avec bonheur tous ces personnages qui ont marqué l’œuvre de Dany Laferrière, depuis Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer jusqu’au Charme des après-midi sans fin. Le cri des oiseaux fous est le dernier ouvrage du cycle romanesque « Une autobiographie américaine » , le projet le plus ambitieux pour le Québec depuis « Les voyageries » de Victor-Lévy Beaulieu. Ce cycle regroupe dix œuvres qui couvrent cinq villes d’Amérique : Petit-Goâve, Port-au-Prince, Montréal, New York, Miami, et qui mettent en scène une cinquantaine de personnages tous plus vivants les uns que les autres, tissant ainsi une fresque contemporaine, avec ses mythes et ses drames. Dany Laferrière est sans contredit l’écrivain le plus surprenant et le plus adulé de sa génération. Il construit une œuvre à nulle autre pareille.