À l’origine, une immense tragédie survenue dans la Cordillère des Andes : un avion s’écrase à 4 000 mètres d’altitude. Pour survivre, les rescapés en viennent à manger la chair des morts. À la version officielle du drame, justifiant une interprétation à la fois héroïque et sacrée de leur anthropophagie, Hubert Haddad en oppose une autre. Sans modifier la moindre des circonstances relatées, il introduit, à travers quelques figures fictives, le personnage de Marquez, journaliste faisant partie du voyage qui, lui, refuse de manger les cadavres. Dans un décor de neige, de froid et de silence, la Cène est ainsi un immense tableau de paysages vertigineux où sont transmises, comme par électrochocs, la fébrilité des miraculés, l’angoisse, la faim et la folie. Une superbe et souvent insoutenable parabole sur les valeurs de l’homme occidental. Cette tragédie, survenue dans les Andes en 1972, a bouleversé le monde entier. Elle a été relatée, dans une version officielle, dans le livre Les Survivants de Piers Paul Read, un best-seller international qui a donné lieu par la suite à un film à grand spectacle. Revisitée par Hubert Haddad sous une forme romanesque, dans l’instant même du drame, elle est ici prétexte à une réflexion personnelle sur le sens philosophique de l’événement et sa récupération par les médias, le gouvernement et l’Église.