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La Princesse de.

P.O.L.

Daniel a été adopté très jeune par une immigrée polonaise et son petit mari français. Fasciné par cette mère et sa plantureuse beauté rousse, il s’efforce à la fois de lui obéir et de lui ressembler : or si obéir à sa mère signifie être un homme, lui ressembler signifie être une vamp en guêpière. Pris entre ces exigences contradictoires, il renonce à la sincérité et relègue ses avatars féminins dans ses abysses personnels, ou encore, comme il le dit lui-même, dans une boîte de Pandore qu’il s’efforce de maintenir fermée. Avec l’entrée dans l’âge adulte, les choses s’arrangent un peu : il rencontre un homme qui devient à la fois son amant, son mentor et son employeur. Grâce à lui, il va se produire sur scène, travesti en femme, ce qui permet à sa vérité intime de sortir un peu, au moins à la nuit tombée. Parallèlement, il s ’éprend d’un détenu auquel il rend visite tous les dimanches, ce qui l’amène à côtoyer des femmes dont l’homme est en prison. Et nous n’en sommes là qu’au début d’une histoire qui n’est pas seulement riche en rebondissements mais aussi en couleurs pas toujours discrètes, en sentiments – excessifs comme il se doit – et en sons contrastés. Comme si Emmanuelle Bayamack-Tam s’était attachée à capter de l’énergie, de l’excitation, du désir, tout un sex-appeal non-conformiste. Et s’il y a beaucoup de « perdants » dans cette histoire, à commencer par le narrateur ; beaucoup de filles perdues, beaucoup de créatures entre deux sexes (les mâle to female, ou mtf), beaucoup d’amoureux de la défonce, sans compter ceux qui croupissent en prison c’est parce que, de livres en livres, les héros d’Emmanuelle Bayamack-Tam sont du genre à cumuler les tares, les disgrâces, les stigmates ; ils n’arrivent à rien, ils tirent systématiquement le mauvais numéro. Parce que leurs vies sont inimaginables, ou insupportables à imaginer, il y a de la place ici pour l’imagination, et pour l’humanité.

Si tout n’a pas péri avec mon innocence

P.O.L. - 2013

Kim, la narratrice, grandit dans le sud de la France, au bord de la mer – qu’on voit danser de temps en temps dans ce roman. Elle est entourée d’adultes immatures, cruels et déraisonnables : affligée d’un bec-de-lièvre, sa mère se lance sur le tard dans une carrière de stripteaseuse ; son père, qui a tatoué ses cinq enfants d’une étoile bleue sur l’occiput, brille par sa faiblesse et son insignifiance ; son grand-père est un insupportable fanfaron, et sa grand-mère sombre peu à peu dans la folie avant de regagner l’Algérie fantasmatique de son enfance. Heureusement, pour l’aider à survivre à une enfance calamiteuse, Kim a l’amour inconditionnel de ses petits frères, la gymnastique rythmique, la lecture de Baudelaire, et ses nuits fauves avec son prince ardent. Sans compter qu’elle ne va pas tarder à rencontrer sa sorcière bien-aimée en la personne d’une sage-femme à la retraite – à moins qu’il ne s’agisse d’une vieille pute sur le retour ? En fait de retour, on assiste aussi à celui de Charonne (déjà présente dans Hymen et surtout dans Une fille du feu) qui fait basculer (in extremis) cette histoire du côté de la beauté et de l’énergie vitale. Comme les précédents livres d’Emmanuelle Bayamack-Tam, celui-ci se propose d’illustrer quelques unes des lois ineptes de l’existence. Le titre est emprunté aux Métamorphoses d’Ovide : comme Philomèle, Kim survit aux outrages, mais contrairement à elle, on ne lui a pas coupé la langue, ce qui fait qu’elle raconte, dans une langue qu’Emmanuelle Bayamack-Tam a voulue à la fois triviale et sophistiquée, comment l’esprit vient aux filles. Or, on sait depuis longtemps qu’il leur vient par les chemins à la fois balisés et inextricables du désir charnel. Pour Kim, il empruntera aussi ceux de la poésie du XIXe, ce qui fait que Si tout n’a pas péri avec mon innocence se veut aussi récit d’une vocation d’écrivain.


Mon père m’a donné un mari

P.O.L. - 2013

Un père et une mère parlent de leur fille : Alexandrine, seize ans. Ce pourrait être une conversation normale, mais Alexandrine ne l’est pas et il se peut que le couple parental ne l’ait jamais été non plus. Leurs inquiétudes portent essentiellement sur la vie sexuelle future d’Alexandrin... Le dénouement, comme toujours, est un escamotage qui dérobe heureusement à nos yeux les protagonistes de la farce. Mon Père m’a donné un mari reprend, en le caricaturant, l’argument des comédies classiques : des parents prennent en main la vie amoureuse de leur fille. Sauf qu’il ne s’agit plus d’arranger un mariage mais d’organiser un dépucelage. Comme la fille est autiste, elle consent à cette prise en main. Elle autorise même ses parents à assister à sa défloration, conçue comme l’aboutissement spectaculaire de cette pièce.


La Princesse de.

P.O.L. - 2010

Daniel a été adopté très jeune par une immigrée polonaise et son petit mari français. Fasciné par cette mère et sa plantureuse beauté rousse, il s’efforce à la fois de lui obéir et de lui ressembler : or si obéir à sa mère signifie être un homme, lui ressembler signifie être une vamp en guêpière. Pris entre ces exigences contradictoires, il renonce à la sincérité et relègue ses avatars féminins dans ses abysses personnels, ou encore, comme il le dit lui-même, dans une boîte de Pandore qu’il s’efforce de maintenir fermée. Avec l’entrée dans l’âge adulte, les choses s’arrangent un peu : il rencontre un homme qui devient à la fois son amant, son mentor et son employeur. Grâce à lui, il va se produire sur scène, travesti en femme, ce qui permet à sa vérité intime de sortir un peu, au moins à la nuit tombée. Parallèlement, il s ’éprend d’un détenu auquel il rend visite tous les dimanches, ce qui l’amène à côtoyer des femmes dont l’homme est en prison. Et nous n’en sommes là qu’au début d’une histoire qui n’est pas seulement riche en rebondissements mais aussi en couleurs pas toujours discrètes, en sentiments – excessifs comme il se doit – et en sons contrastés. Comme si Emmanuelle Bayamack-Tam s’était attachée à capter de l’énergie, de l’excitation, du désir, tout un sex-appeal non-conformiste. Et s’il y a beaucoup de « perdants » dans cette histoire, à commencer par le narrateur ; beaucoup de filles perdues, beaucoup de créatures entre deux sexes (les mâle to female, ou mtf), beaucoup d’amoureux de la défonce, sans compter ceux qui croupissent en prison c’est parce que, de livres en livres, les héros d’Emmanuelle Bayamack-Tam sont du genre à cumuler les tares, les disgrâces, les stigmates ; ils n’arrivent à rien, ils tirent systématiquement le mauvais numéro. Parce que leurs vies sont inimaginables, ou insupportables à imaginer, il y a de la place ici pour l’imagination, et pour l’humanité.


Une fille du feu

P.O.L. - 2008

« Chère opinion mondiale, je voudrais t’informer du fait méconnu numéro un : on n’est jamais grosse sans être un peu une héroïne. » Ceci est la première phrase du nouveau roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam, Une fille du feu et tout de suite, outre une information essentielle, la narratrice est une grosse fille, le ton est donné. Drôle, insolent, pas dupe. Et, de fait, Charonne (oui, vous avez bien lu, Charonne, et pas Sharon) n’a pas la langue dans sa poche ni l’intelligence en sommeil. Il faut dire que rien de ce qui peut éveiller le sens critique ne lui aura été épargné (« ... car les vingt ans de persécution que je compte derrière moi m’ont dotée d’une grande agilité de pensée et surtout d’un faible degré d’inhibition. ») : née de père inconnu – croit-on pour commencer – d’origine incertaine, mais très probablement subsaharienne, élevée par une mère passablement dérangée qui n’a cessé jusqu’à sa puberté de la mutiler (elle a été excisée, une tentative d’infibulation a échoué, etc.), en butte à tous les lazzis que son obésité peut provoquer, il lui aura fallu durement se constituer, survivre, et s’imposer. Si on ajoute à cela qu’elle est malgré tout d’une beauté renversante et qu’elle a la langue bien pendue on commence à avoir une idée du personnage tout à fait extraordinaire qu’Emmanuelle Bayamack-Tam nous a inventé. L’histoire ? Elle n’est pas banale non plus. Charonne va être choisie par un couple de garçons pour être la mère porteuse de l’enfant qu’ils veulent ensemble. À cette occasion, tandis qu’elle devient provisoirement maigre comme un clou et que son clitoris repousse miraculeusement, elle va découvrir que sa tante est en fait son père (!..) cependant que l’amour et la jouissance sexuelle vont lui être révélés. Et si nous sommes bien obligés de passer sur pas mal de péripéties et de renversements vraisemblables ou non, ce n’est pas la question, qui font de ce roman un plaisir de fiction, en même temps qu’une belle et puissante réflexion sur les flottements de l’identité sexuelle, ne passons pas sur l’éblouissante manière dont il est écrit. Emmanuelle Bayamack-Tam aime les mots, elle les choisit avec un grand bonheur ; elle aime les phrases, elle les modèle et les rythme, elle les enchante. Mais par dessus tout, pour lier ensemble ces mots et ces phrases, au delà même de l’humour ravageur qu’on lui connaissait déjà, une joie terrible, énorme, vitale se dégage de ce livre exceptionnel.


Le Triomphe

P.O.L. - 2005

Artaud tenait le mariage pour une offense personnelle. Kafka est mort célibataire – mais ce n’est pas faute de s’être fiancé. Nijinski a épousé Dieu, devant témoins, le dix-neuf janvier mille neuf cent dix-neuf. À ce sujet comme à d’autres, ils auraient peut-être eu des choses à se dire.


Hymen

P.O.L. - 2003

Une femme poursuit un homme d’un amour passionné dont il ne veut pas. L’homme est fragile, sensible, un véritable innocent qui entrave sa jeunesse par timidité. La femme est abîmée, meurtrie, laide, une clocharde alcoolique. Elle aime cet homme d’un amour fou, littéralement, sur lequel elle laisse planer l’ombre d’un infanticide : à toucher de si près l’horreur il semble qu’il n’y ait plus de limite ni à l’amour ni à l’horreur. Jusqu’à ce qu’intervienne un étrange enquêteur héroïnomane et prosélyte n’ignorant rien du langage des fleurs, comme un héros de série qui tombe du ciel, sait tout et sait tout faire. Il parviendra parfaitement à dérégler ce qui doit l’être pour que du chaos et de la violence sortent beaucoup plus de vie, de l’amour, qu’il en soit fini avec les larmes et les tremblements, la génétique, la ressemblance, la transmission.


Pauvres morts

P.O.L. - 2000

Quatre-vingt-trois ans, ce n’est pas une vie. C’est juste le temps que ça prend de vieillir et de connaître le sort immérité de toute chair, le pourrissement programmé, la violence médusante du dégoût. Et si, à quatre-vingt-trois ans on s’offre un dernier sursaut de sens, un dernier triomphe amoureux, il risque d’avoir la couleur de l’argent et tous les appâts du gain. Mais c’est toujours ça de pris, toujours ça que n’ont même plus les pauvres morts gisant entre les radicelles chlorotiques et les insectes nécrophages. Et il n’y a pas de mot de la fin, pas de sagesse acquise sur le tard.


Tout ce qui brille

P.O.L. - 1997

Pour sauver les mauvaises âmes des filles de Fénix, il doit d’abord s’extraire des plis angulaires et cassés de sa vieille peau. Ensuite, il faut qu’il trouve le seul nom qui lui aille, le seul qui rende compte de son identité remarquable. On peut considérer tout ça comme une mission. A la fin, il lui reste le plus difficile : empêcher que s’écrive son histoire officielle. Se retrouvent dans cette histoire qui n’a rien d’une histoire officielle, quelques-uns des thèmes qui nourrissaient Rai-de-cœur, comme l’exil, ou l’ambiguïté sexuelle, ou encore la grande ville (c’est d’ailleurs la même... sous d’autres cieux). Mais aussi de nouvelles préoccupations qui ont à voir avec l’identité, la filiation, la folie.


Rai-de-coeur

P.O.L. - 1996

Au milieu des sables du bush, Kéziah règne en maître sur les moins que rien : Nello, le valet de cœur subjugué, et Siri, l’idiote à la beauté radieuse. De l’autre côté du monde, une grande ville occidentale clignote de tous ses feux. Kéziah part donc en guerre contre sa misère native, contre le sort auquel on a pensé pour lui : il invente, pour s’arracher à son coin de terre sinistré, un moyen étrange et cruel. C’est Nello qui raconte. C’est Nello qui se dresse au milieu des choses dites, semblable à elles et sans pouvoir sur elles. Mais l’histoire finit par tracer, cahotante, son propre sillage fumeux. « Si la seule idée d’un Dieu ne me faisait pas rire, je rendrais bien ici quelques oracles, quelque parole inspirée, quelque évangile enluminé qui réconcilierait les autruches effarées, les sauterelles rongeuses, les guitaristes mystiques, les filles à la blondeur boréale, les mères oublieuses de leur première portée, les pères devenus prédicateurs de salon, tous les ergs et les regs du N’mab, et même le souvenir, toujours fou en moi, toujours miraculeux, du garçon qui a trahi son ami pour les lumières de la ville. »