Sarajevo omnibus propose un portrait de la ville de Sarajevo à travers différents personnages historiques ou lieux emblématiques qui ont tous un rapport avec la tragédie inaugurale du vingtième siècle : l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand le 28 juin 1914. Ainsi nous rencontrons tour à tour Gavrilo Princip, ce jeune Serbe dont le geste déclencha le cataclysme de la Première Guerre mondiale ; Viktor Artamanov, affairiste russe illuminé, qui finança au nom du Tsar l’aventure de la « Main noire », organisation terroriste vouée à la libération de la Serbie du joug austro-hongrois ; le fondateur de la Main Noire, le colonel Dimitrievic dit « Apis » qui bâtissait ses théories grand-serbes en buvant de la slivovice dans un fameux bistrot de Belgrade ; Ivo Andric, immense écrivain, prix Nobel, qui appartint un temps à cette mouvance… Mais aussi des personnages oubliés, tels le rabbin Abramovicz, philosophe et poète, qui reçut dans la nuque l’une des cinq balles destinées à l’archiduc ; le curé Latinovic, fêtard repenti, ou encore l’imam Dizdarevic seul Bosniaque à avoir peur de sa femme, nous dit l’auteur, il passait ses journées à cueillir du thym dans la montagne et se parfumait les aisselles à l’ail pour éloigner le Diable. Tous ont assisté à la mort de l’archiduc. Il est aussi question de divers bâtiments célèbres de Sarajevo, ou des incroyables tribulations de la Hagaddah, manuscrit juif sacré dont l’histoire n’est pas sans rapports avec la mort de l’archiduc… Le dernier chapitre raconte la vie de Nikola Barbaric, grand-père de l’auteur, également présent lors de l’attentat, personnage fantasque qui eut quatre épouses et plusieurs vies. Au fil des brefs chapitres, le récit tourne autour de l’événement central, explorant en détail les instants qui le suivent et le précèdent, nous plongeant dans l’atmosphère moite, étouffante de l’été sarajévien. Le récit de Velibor Čolić n’est jamais pesant ni funèbre, mais vif, précis, surprenant, enjoué. L’auteur considère avec une distance désabusée l’enchaînement de circonstances horribles et comiques qui constitue l’histoire des hommes.
Revue de presse :
- "Celui qui aujourd’hui sait transmettre les récits et les légendes des montagnes de Bosnie, c’est Colic, dont la voix, après vingt ans passés en France, conserve le rythme et les intonations d’une langue que l’on appelait autrefois le serbo-croate, pour donner au français la poésie et la sagesse triste des Persans." Laurent Geslin, Le Monde
- "On comprend mieux, à lire Sarajevo omnibus, la singularité de la Jérusalem des Balkans, à mi-chemin de Rome, Vienne et Istanbul, carrefour de peuples devenu enjeu politique et symbole culturel idéalisé. Une sorte de "paradis occidental" perdu, où la poésie le dispute au grotesque. Colic surgit dans notre paysage littéraire telle une grenade dégoupillée. Avec ce roman d’une force étonnante - directement écrit (avec brio) en français -, il nous sort de notre torpeur nombriliste d’enfants gâtés." Tristan Savin, Lire