C’était un matin de tabaski. Le soleil, déjà haut à l’horizon, continuait sa course folle à travers un ciel pur comme du cristal. Il progressait à pas de géant comme si, jaloux de cette journée toute belle, il voulait y mettre fin le plus tôt possible. Les fidèles, revenant des mosquées, affluaient de partout, vêtus de leurs habits de fête et tenant à la main leur peau de prière. C’étaient des femmes et des hommes de tous âges, des enfants, qui marchaient par petits groupes, à petits pas pressés. Certains, encore imprégnés de l’atmosphère de prière et de recueillement, l’air solennel et à pieds, continuaient de psalmodier des versets tout en égrenant leur long chapelet. D’autres, par contre, les jeunes et les enfants, arrivaient à peine à contenir leur gaieté. [...] Ce fut donc au milieu de cet atmosphère embaumée de fête que l’on vit, comme une avalanche déferlant de la colline qui surplombait le quartier à l’ouest, un grand troupeau de moutons. C’étaient de grands moutons qui défiaient toute concurrence, de gigantesques béliers dont les cornes non moins gigantesques faisaient penser à une invasion de buffles... Ousmane Diarra, Tous les moutons du monde.