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Nouvelles du Mali

Gallimard

C’était un matin de tabaski. Le soleil, déjà haut à l’horizon, continuait sa course folle à travers un ciel pur comme du cristal. Il progressait à pas de géant comme si, jaloux de cette journée toute belle, il voulait y mettre fin le plus tôt possible. Les fidèles, revenant des mosquées, affluaient de partout, vêtus de leurs habits de fête et tenant à la main leur peau de prière. C’étaient des femmes et des hommes de tous âges, des enfants, qui marchaient par petits groupes, à petits pas pressés. Certains, encore imprégnés de l’atmosphère de prière et de recueillement, l’air solennel et à pieds, continuaient de psalmodier des versets tout en égrenant leur long chapelet. D’autres, par contre, les jeunes et les enfants, arrivaient à peine à contenir leur gaieté. [...] Ce fut donc au milieu de cet atmosphère embaumée de fête que l’on vit, comme une avalanche déferlant de la colline qui surplombait le quartier à l’ouest, un grand troupeau de moutons. C’étaient de grands moutons qui défiaient toute concurrence, de gigantesques béliers dont les cornes non moins gigantesques faisaient penser à une invasion de buffles... Ousmane Diarra, Tous les moutons du monde.

La route des clameurs

La route des clameurs

Gallimard - 2014

« Un matin, mon papa a fait apparaître un grand tableau vierge qu’il avait soigneusement caché dans la maison. Il connaît sa maison plus que quiconque au monde, mon papa. Il a donc sorti son tableau avec des pinceaux et des boîtes de peinture. Il s’est installé dans la rue, devant notre maison. Il s’est mis à crayonner, à peindre. Il avait presque les yeux fermés. Les gens qui passaient s’arrêtaient pour le regarder comme on regarde un animal sauvage au zoo, qui tourne en rond dans sa cage en fer, qui rugit en vain sa colère. Même moi qui suis son fils, je ne comprends rien à ce qu’il était en train de dessiner. Il a travaillé toute une journée ainsi. C’est à la nuit tombante que j’ai vu enfin surgir de ses pinceaux un vieux cochon... »
On est au Mali, dans un sanglant bouillon d’intolérance, sous la férule des islamistes conduits par le calife Mabu Maba dit Fieffé Ranson Kattar Ibn Ahmad Almorbidonne, et aux prises avec la férocité des gamins imams. Un artiste peintre, par ailleurs ancien condisciple du faux calife, est pris dans les nasses de l’obscurantisme. On détruit sa famille, on détruit son atelier, ses tableaux et ses sculptures partent en fumée. Seule lui reste encore sa tête pleine d’ironie pour tenir tête aux envahisseurs, inoubliable figure de notre époque plombée de fanatismes, père à la fierté frêle et ulcérée, artiste à l’humour ravageur, homme à la dignité désemparée et exemplaire... C’est un enfant qui raconte.

Nouvelles du Mali

Gallimard - 2007

C’était un matin de tabaski. Le soleil, déjà haut à l’horizon, continuait sa course folle à travers un ciel pur comme du cristal. Il progressait à pas de géant comme si, jaloux de cette journée toute belle, il voulait y mettre fin le plus tôt possible. Les fidèles, revenant des mosquées, affluaient de partout, vêtus de leurs habits de fête et tenant à la main leur peau de prière. C’étaient des femmes et des hommes de tous âges, des enfants, qui marchaient par petits groupes, à petits pas pressés. Certains, encore imprégnés de l’atmosphère de prière et de recueillement, l’air solennel et à pieds, continuaient de psalmodier des versets tout en égrenant leur long chapelet. D’autres, par contre, les jeunes et les enfants, arrivaient à peine à contenir leur gaieté. [...] Ce fut donc au milieu de cet atmosphère embaumée de fête que l’on vit, comme une avalanche déferlant de la colline qui surplombait le quartier à l’ouest, un grand troupeau de moutons. C’étaient de grands moutons qui défiaient toute concurrence, de gigantesques béliers dont les cornes non moins gigantesques faisaient penser à une invasion de buffles... Ousmane Diarra, Tous les moutons du monde.


Pagne de femme

Pagne de femme

Gallimard - 2007

An de grâce Un. Année de l’enfant djinn ! Ce fut celle de la danse impossible. La danse des grands sorciers et des grands initiés : tu refuses de danser, tu meurs. Tu fais un faux pas, tu trépasses. Seuls les Anciens possédaient les pas de cette danse-là ! Mais les Anciens s’en étaient allés. Avec tous leurs secrets. Dépités d’un monde qui n’était plus le leur. Auquel ils ne comprenaient plus rien ! Un monde comme un pagne de femme coquine, jamais véritablement noué, et à dessein pour embêter les hommes ! " Ousmane Diarra nous donne ici non seulement le roman d’un continent - et sans doute le plus africain des romans, comme Céline, avec Voyage au bout de la nuit, nous donnait le plus populaire des romans - mais, dans le style réinventé des griots, en un tour de force, une recréation unique, il nous tend l’image tumultueuse de notre monde... Quand s’entrouvre un pagne de femme, un flot de désirs et de paroles nous submerge ; quand s’ouvre ce roman, c’est une crue pleine d’humour, de violence et d’espoir malgré tout, pleine d’autodérision qui nous ballotte jusqu’au vertige dans notre condition inhumaine... Amours, haines, folies... " C’est, dit l’auteur dans son avant-propos, la fin de toute raison, de toute dignité. La fin de toute humanité. La fuite en avant. Tant vers l’étranger que dans le mensonge, l’hypocrisie. Dans la rapine. Dans le crime tous azimuts... Sans états d’âme.


Vieux lézard

Vieux lézard

Gallimard - 2006

« Elle sourit de nouveau. Puis elle s’assit. Il la regarda et fut aussitôt saisi d’un sentiment bizarre, de bonheur et d’inquiétude. Il ne savait pourquoi. Puisqu’elle ne l’intéressait pas spécialement. Elle n’était qu’une petite gamine, et lui, un homme entre deux âges, avec une femme et des enfants et des principes et des soucis.
C’est lui qui commença à parler le premier, sans vraiment savoir ce qu’il disait. Cela arrive souvent quand la tête est vide alors que les yeux sont bien pleins. Il disait n’importe quoi. ll le sentait à son sourire narquois qu’il racontait des sottises. Pourtant la vraie question trottinait dans sa tête : Pourquoi ?... Pourquoi ? »
Un bibliothécaire, la quarantaine ; une étudiante qui apparaît et disparaît comme un mirage de beauté. Un pays, le Mali ; une capitale africaine, Bamako. Au-delà des apparences, l’amour libre avec la jeune Sakira et l’amour des livres sont-ils possibles à l’ombre des imams qui condamnent et des enfants qui lapident ? Faut-il rêver pour vivre des désirs non excisés ? Dans Vieux Lézard, c’est l’humour léger qui fait s’envoler, telle une tourterelle roucoulante, les carcans sociaux et religieux.

Le poids des traditions

Les cafés littéraires en vidéo
Avec : Charif MAJDALANI, Moussa KONATÉ, Ousmane DIARRA, Pascal DIBIE - Saint-Malo 2006

Que faire face à l’horreur ?

Avec Ousmane Diarra et Jean-Christophe Rufin - Saint-Malo 2015


Avec Ousmane Diarra et Jean-Christophe Rufin, une rencontre animée par Sophie Ekoué