Un vieil homme, Ulrich, qui a raté sa vie : musicien, d’abord, puis chimiste – ses deux passions –, il voit ses espoirs écrasés lorsqu’il doit rentrer en Bulgarie, son pays, son père étant ruiné et ne pouvant plus lui payer d’études. La Bulgarie est alors dans les décombres de l’ère post-communiste, dont Rana Dasgupta donne des descriptions cruelles et convaincantes. Mais les « rêves éveillés » d’Ulrich, qui occupent toute la seconde partie du livre, vont le tirer de son marasme : le voici sauvé par le pouvoir de l’imaginaire, qui le transporte aux États-Unis. Ses visions et pérégrinations offrent alors un saisissant contrepoint au récit morne d’une vie frustrée. Est-ce pour autant un univers paradisiaque qu’il découvre ? Des péripéties extraordinaires, dignes des Mille et Une Nuits, ne voilent pas tout à fait l’autre face d’une réalité où tout nous parle d’une motivation unique : le succès, l’argent, la richesse. Rana Dasgupta possède la capacité de donner vie à ses personnages et à ses situations : il en fait des évidences, si bien que le lecteur est prêt à le suivre. Sa langue est inventive, son imagination débridée, son art de conter magnifique : la lecture de ce livre est aussi séduisante qu’instructive.