Couleur
J’étais tombé sur l’un des secrets les mieux gardés des Noirs : la plupart d’entre nous n’étaient pas intéressés par la révolte ; la plupart d’entre nous étaient fatigués de penser tout le temps au problème racial…
Barack Obama, les Rêves de mon père Petite fille, tu te voyais blanche dans tes rêves, tu savais que c’était toi, la seule chose, c’est que tu étais blanche, il y avait une balançoire dans le jardin, de l’herbe verte autour, des pâquerettes comme des sourires au milieu des touffes d’herbe, tu étais heureuse là, tournant le dos à la maison, une petite bâtisse en bois jamais habitée dans la réalité, seulement dans tes rêves, elle était bleue, pas vraiment, tu dirais indigo, ce qui semble curieux pour les murs d’une maison, mais c’était ainsi, un rosier grimpant à fleurs rouges
courait le long de la façade, à droite de la porte d’entrée peinte dans les mêmes tons que les murs, si bien qu’on ne la distinguait pas, tu crois qu’il n’y avait pas de fenêtres.
Paupières plissées pour protéger la claire pupille de tes yeux tournés vers le soleil, tu te balançais toute la journée jusqu’au crépuscule, tu ne t’es jamais vue faisant quoi que ce soit d’autre ni côtoyant quiconque, il y avait des gens dans la maison mais tu ne les voyais pas, ne recherchais pas leur compagnie ni eux la tienne, il n’y avait pas une fourmi, pas un ver de terre, aucune de ces bestioles que remarquent les enfants, aucune compagnie d’amis imaginaires, tu étais seule sur ta balançoire, seule et blanche, seule mais blanche, cela te convenait, tu en avais même besoin, de la solitude comme de la blancheur, le rêve prenait fin au coucher du soleil, la fillette aux yeux clairs poussait la porte indigo, pénétrait dans l’habitation, tu ne la voyais jamais faire, c’était là que sonnait le réveil, l’heure de vivre dans le vrai.
Revue de presse :
- "Un formidable uppercut théâtral
Romancière à succès éditée chez Plon depuis 2005, Léonora Miano nous livre aujourd’hui son premier texte théâtral. Depuis la parution de sa suite africaine, trois romans décrivant la vie dans le pays fictif du Mboasu, elle s’est attachée à chroniquer la vie des « Afropéens » (ou Noirs de France) dans trois de ses publications, dont le très remarqué roman Tels des astres éteints. Dans cette même veine, son nouveau texte, Ecrits pour la parole brosse en 75 pages un réel kaléidoscope de portraits introspectifs de la France noire. Ce concentré de questionnements, ce dévoilement de la complexité de l’héritage culturel afropéen ne laissera aucun lecteur indifférent." Angélique Lagarde pour Kourandart.