Etonnants voyageurs à Brazzaville. Le public dans le jardin du Palais des Congrès.

Etonnants voyageurs à Brazzaville. Le public dans le jardin du Palais des Congrès.

L'Express

Alors, Brazzaville? C'était comment? Pas de doute, la capitale du Congo suscite plus d'intérêt que Le Mans ou Montpellier - non pas que c'est ces deux dernières n'aient de charme, bien sûr. Bref, Brazzaville, le Congo, les Etonnants Voyageurs (E. V.) tout cela étonne ou irrite, surtout ceux qui n'y assistent pas. Pour avoir fait partie des - nombreux - privilégiés (et des - un peu moins nombreux - journalistes encore valides) du 1er Festival international du livre et du film de Brazzaville (du 13 au 17 février 2013), je vous propose un bref bilan de ces cinq jours.

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Sur le papier, l'entreprise pouvait faire peur. Beaucoup plus de médias qu'à Port-au-Prince, où les Etonnants Voyageurs avaient posé leur baluchon l'année dernière, pas mal de vedettes (l'armada de France Inter, Elisabeth Tchoungui, débarquée de France 2 et nouvelle résidente de France O, Laure Adler, Olivier Barrot, etc.) et de très nombreux écrivains programmés. Mais c'est là le miracle des E. V. de Michel Le Bris: les stars putatives rentrent toujours dans le rang. Surtout quand il fait 33 degrés à l'ombre et que les beaux atours du matin se transforment au fil des heures en habits de baroudeurs.

Bref, côté ambiance, pas de problème, malgré les répartitions subtiles entre plusieurs hôtels (les "riches", soit les auteurs, quelques journalistes triés sur le volet et les organisateurs, dans l'ancien et très chic Méridien, et les "pauvres", soit tous les autres, dans des hôtels plus modestes).

J'entends les impatients. "C'est bien beau tout ça, mais le bilan?" Le voici, totalement subjectif, bien sûr, et un rien impressionniste.

Il est globalement positif, surtout pour une première édition, dont on perçoit, sur place, les difficultés, tant l'ambition était grande. Organisé à l'instar des E. V. de Saint-Malo, ce festival africain, mené par Michel Le Bris et Alain Mabanckou, a multiplié les débats, les genres (littérature, musique, lectures) et les lieux. Un casse-tête pour le festivalier qui n'a pas le don d'ubiquité.

Un bémol, cependant, dans le choix des lieux. Ainsi, une grande partie des activités se déroulait au Palais des congrès qui fait aussi office de Parlement. Et qui dit Parlement, dit grilles, militaires, etc. Difficile de trouver endroit moins familier pour le Congolais qui ne navigue pas dans les eaux du pouvoir. D'où des amphis ou des auditoriums pas toujours remplis, si ce n'est par des lycéens emmenés par cars entiers. Pour voir les "vrais" gens, il fallait se rendre dans les autres spots du festival, à l'Institut français, au Bar le Congo Square, à l'école de peinture de Poto Poto, au centre Père Dubé, dans le quartier de Bacongo, là-même où les avenues bitumées laissent place à la terre des ruelles populaires...

De belles rencontres. L'intérêt de ce genre de salon, c'est qu'on vit, quasiment 24 heures sur 24, au côté des écrivains. Qu'on peut donc les entendre soit débattre sérieusement, soit discuter allègrement, soit mastiquer leur poulet quotidien, soit siroter un dernier verre au bar de l'hôtel. A cette aune-là, le Congolais (de Kinshasa) Jean Bofane, celui de Brazzaville, Emmanuel Dongala, les Haïtiens Makenzy Orcel, Emmelie Prophete et Lyonel Trouillot, la Danoise Pia Petersen, et bien sûr, l'infatigable Alain Mabanckou, (virevoltant sans jamais donner l'impression d'une quelconque lassitude), n'étaient pas les derniers. Et quel plaisir de côtoyer les Belges (néerlandophones) David Van Reybrouck, auteur du formidable Congo. Une histoire (Actes Sud) et Lieve Joris, merveilleuse référence de la littérature de voyage.

Au palmarès de l'émotion, on citera les Maliens Ousmane Diarra et Amkoullel, dont le débat autour du drame de leur pays fut de grande tenue, et on s'alarmera du sort du jeune rappeur admirateur d'Amadou Hampaté Ba, empêché de rentrer en France en raison d'obscures tracasseries administratives (sa demande de renouvellement de carte de séjour a été déposée à la préfecture, a priori acceptée, mais il ne peut rentrer en France avec son seul récépissé pour la récupérer!). Autres découvertes formidables : le jeune auteur gabonais de polar, Janis Otsiemi (Le Chasseur de lucioles, Jigal éditions), dont le bagout sorti tout droit de son bidonville de Libreville fait des merveilles ; la Nigériane Noo Saro-Wiwa, fille de son père Ken, martyr de la dictature de Sani Abacha (il fut pendu en 1995), dont la dignité et le talent (Transwonderland. Voyages au Nigeria, bientôt chez Hoëbeke, a été louée outre-Manche) forcent l'admiration ; et, dans un registre plus guilleret, l'étonnant Zao, qui, dans la pleine force de l'âge, a enflammé avec ses chansons (dont le merveilleux Ancien combattant), l'auditorium du Palais lors de la soirée musicale organisée par France Inter. Enfin, on félicitera la délicieuse Elizabeth Tchoungui, simple et souriante du début jusqu'à la fin du séjour. Comme quoi, la télé ne rend pas toujours fou.

Pour en savoir plus, n'hésitez pas à ouvrir le prochain numéro de L'Express, daté du 27 février.

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